marie au bhutan

Wednesday, December 26, 2007

Nostalgique automne
octobre 31, 2007
Atterrissage par temps de grève et de ciel gris… Morose automne.
Trois ans d’hiver ensoleillé m’ont fait oublié les ciels bas, les feuilles qui crissent sous les pas et, les odeurs de décomposition. Difficile de trouver de la motivation lorsque la nature s’endort ou meurt…
Au Bhoutan seule l’herbe se dessèche en hiver ; les sapins dardent leurs aiguilles vers le ciel, les drapeaux multicolores chantent dans le vent et les sommets se détachent en vues cristallines énergisantes… L’hiver malgré ses nuits froides était là-bas plein de vie…
Pourtant, une fois que le brouillard du dépaysement se déchire, je suis contente d’être ici, de retour parmi vous. Et puis, ces feuilles multicolores ont leur charme. N’est-ce pas un coin de ciel bleu qui se dessine là bas ?Mélodies, senteurs, humeurs se rappellent déjà à mon souvenir. Sentiment d’appartenance; it is home!
Ce dépérissement saisonnier ne contient-il pas une promesse de renaissance ?

Dédale haut en couleur
octobre 28, 2007
Quelques jours à Katmandou en plein Dashain, fête célébrant la victoire de dieux sur les démons que l’on fête en famille, les anciens offrant leur bénédiction aux plus jeunes, bénédiction matérialisée par une tikha apposée sur le front.



Journées de vacances, de relative inactivité donc. Difficile recherche de taxi, de restaurant ou tout simplement de chemin, de nombreuses errances dans ces multiples rues étroites dont l’immensité devient angoissante à la tombée de la nuit. Il faut bien comprendre qu’après Thimphu, cela me fait un choc ! Kathmandu avec ces plus de 700,000 habitants est plus peuplée que le Bhoutan tout entier. Tant de gens, de rues, de voitures ; tant de cultures aussi. Dans cette ville cosmopolite, hindous, bouddhistes, chrétiens, musulmans et juifs se côtoient. Chaque passage d’un quartier à l’autre se traduit donc pas un changement d’atmosphère dont il faut rapidement saisir les codes. Je dois bien avouer avoir été rassurée parfois à la vue de touristes, preuve que je me rapprochais d’un site touristique, soulagement à l’idée de ne pas être la seule blanche perdue dans ce labyrinthe de vie et de couleur.




Et puis, peu à peu, j’ai commencé à saisir l’organisation de la ville, à me détendre, à oser me reposer sur les indications des ces népalais chaleureux ; conseils bien plus efficaces que la lecture d’une carte aux noms de rues absents. La location d’un vélo m’a beaucoup aidée. Pédaler dans ces rues étroites était presque plus palpitant que d’y flâner ; il faut dire que le festival appelant une large part de la population à regagner son village natal, les avait laissées presque désertes… relativité toute.





L’architecture Newari est magnifique, toute en dentelle ; sculpture de bois qui s’élève jusque dans le ciel. La ville dans son ensemble a beaucoup de charme; chaque cartier s’articule autour de sa cours intérieure où se retrouve le puit, un lieu de culte et où s’organise la vie sociale. Kathmandu est en fait la réunion de 2 villes caractérisées chacune par un centre, place royale historique, véritable feu d’artifice de temples, de commerce et de lumière…




Je me suis aussi fait le plaisir de découvrir la campagne environnante sur mon vélo. Générant l’admiration des motards emmenant leur belles et des enfants le long de la route, j’ai pédalé jusqu’à une station campagnarde 1000 mètres plus haut, 40 km plus loin. Que du bonheur ! Du soleil, du vent, des rencontres, scènes de vie pastorale et sentiment d’appartenance dans ces collines couvertes de champ de riz … grandiose !



Bye Bye Bhoutan
octobre 28, 2007
J’appréhendais le départ. Tourner la page à deux ans et demi de vie dans ces montagnes tranquilles. Laisser derrière soi presque tout dans la mesure où je n’ai le droit qu’au 20 kilogrammes réglementaires. L’appréhension du retour, de la confrontation avec un nouveau système de valeur au vu duquel je ne possède rien… Continuer à chérir ses acquisitions en terme de sculpture de soi, comme le dirait Onfray, alors que l’on retourne dans l’enceinte du matérialisme.
Parfois je me dis qu’avoir été malade fut un mal nécessaire pour m’aider à monter dans l’avion. Appréhensions qui se sont dénouées tout en beauté. Rien ne sert d’avoir peur, il suffit de se laisser porter par le flot de la vie, la magie des amitiés et les espérances. Espoir de garder le contact, espérances d’un retour, désir de maintenir le lien entre ces deux mondes… vous retrouver tout en cultivant ce que j’ai découvert de précieux là bas…
Mes derniers jours sur place sont passés à une vitesse folle, déménagement et transfert de mes modestes possessions aux amis, dernières balades dans la montagne, dernier souffle de l’architecture bhoutanaise, dernière soirée avec les potes au bar, fête d’anniversaire, dernier au revoir à mes collègues à l’aéroport. Que des moments de bonheur et plouf me voilà parti à bord du dragon Druk air.








First
octobre 14, 2007
Hier soir j’ai lâché mon ordi pour quelques heures,Le temps d’une plongée dans une faille spatio-temporelle
Un resto se met à l’heure d’halloweenTelle première que la serveuse à l’heure de fermetureSe met à décrocher les guirlandes orangesUn peu plus et la citrouille se retrouvait à la poubelleQuelle idée farfelue aussi !Le curry de citrouille n’est-il pas l’un des mets les plus délicats…Le repas aussi avait des airs de fêtesGrill importé et nous voilà régalés de crevettes sur lit de légumesA quoi bon rentrer en France ?
Ensuite, nouveau barPas de réminiscences féodales ici, juste de la liberté créatriceMUSIC LIVE, et pour la première fois en deux ans et demi,Pas de voix criardes sur fond d’instruments Fisher priceNon, de la vraie musique.Ambiance et résonance,Que du bonheur !
Triste first cependant pour finirRoulé en boule sur le chemin du retourUn homme cherche le sommeil dans le froid qui s’installe
Thimphu se modernise cela ne fait plus aucun doute…

Busy
octobre 10, 2007
Désolée pour ce silence mais ici tout se bouscule,
Des mois de santé vacillante m’ont fait prendre du retard,
Beaucoup de dossiers à boucler avant mon départ…
A très vite; j’atteris, physiquement du moins, le 26 octobre.
Biz




Quatrième Pilier
septembre 12, 2007
Frustrée par ce corps qui n’en finit pas de se rétablir, j’ai décidé hier soir de prendre l’air. Direction la colline qui surplombe Thimphu; la colline des drapeaux à prière.
Les Bhoutanais érigent ces drapeaux en diverses occasions : commémoration des grandes dates du bouddhisme, accompagnement d’un proche dans son cheminement vers sa nouvelle vie, élévation de leur karma… Facile d’accès, cette colline est naturellement devenue le principal réceptacle des drapeaux à prière de la capitale. Il en résulte une mer multicolore surplombant le tumulte de la ville, un sentiment de paix. Un endroit idéal pour se ressourcer.
Le crépuscule s’installait, lorsque je commençais ma petite ascension.
Surprise de voir encore des gens s’affairer à cette heure, je m’arrête. Par chance, le moine parle bien l’anglais ; originaire de Tashi Yangtshe dans l’est du pays, il se forme entre l’Inde et le Tibet. Nima n’est pas un simple moine, mais un lama qui travaille à son éveil spirituel. Il commence à m’expliquer que ce jour est particulièrement auspicieux car chaque bonne action est démultipliée. Une journée idéale pour planter de nouveaux drapeaux à prière et faire grimper son karma. Coudre les rubans de couleur sur chaque drapeau leur a pris beaucoup de temps, c’est pourquoi ils sont encore là à cette heure tardive. Nima est accompagné de deux amis qui finissent de clouer un drapeau rouge de près de 15 mètres de long sur un pilier du Juniperus, bois reconnu pour sa pureté.
De crainte de déranger je reprends ma route. Nima m’invite alors à les rejoindre.Apparition réciproque : ils avaient besoin d’un nombre pair pour bénir leurs drapeaux, quatre piliers pour une élévation durable; j’avais besoin de lumière dans ma triste journée.
Nous avons donc attaché les drapeaux ensemble. Un peu plus haut, un peu plus bas, ne tire pas trop, la corde va lâcher…
Une fois nos magnifiques drapeaux flottant joyeusement, nous avons commencé la cérémonie. Chacun son coin et ses deux bâtons d’encens, nous avons écouté les prières chantées par notre lama. A la lueur d’une bougie, tournant les pages chacun notre tour, nous avons passé une heure de communion, hors du temps. Vint ensuite l’aspersion d’eau bénite et le recueillement devant le plus grand de nos drapeaux, le drapeau rouge. Chacun a effleuré le drapeau du haut de son crâne pour bénéficier des ondes positives que nous venions juste de générer. Merci Nima, merci la nuit, merci légère brise, merci le flot de la vie.
Moment d’appartenance au monde qui illumine cette journée.

Thursday, September 06, 2007

Petit bijou d’hôtel
6 septembre 2007
Un hôtel datant des années 50, charme désuet mais confort moderne.Le dernier hôtel d’une rue bordée de palaces, avec pour voisine une église presbytérienne…Loin du faste des grandes chaînes comme le Hyaat, le Marriot ou le Magestic, on vous accueille ici simplement. Dès votre entrée dans le hall jazzy, le personnel souriant et amical vous offre un jus de fruits fraîchement pressés. Réel cadeau de bienvenue de la part de cet hôtel au rapport qualité prix imbattable. Après des jours de prison high-tech, je reçois ces chaleureuses attentions avec bonheur.
Petite chambre avec grande baie vitrée et balcon, lit double, bureau coiffeuse et son grand miroir doré, salle de bain ramassée mais proprette. Le tout dégage une atmosphère cosy. J’ai tout de suite eu envie de déballer mes affaires ; cette chambre sera mienne jusqu’à la fin de la semaine ! Après une petite virée dans le quartier où tous les commerces sont accessibles à pied, je dépose une fleur sur la table de chevet, prends une douche, m’étends sur le lit ; je commence enfin à respirer. Me voilant enfin dans un environnement humain, aux aspérités attachantes, loin de l’impeccable froideur du Samitivej.
Et puis demain, en me levant, je vais pouvoir faire quelques longueurs dans la petite piscine lovée au fond du mini jardin tropical. Un délice bien mérité.

Faites vos jeux
6 septembre 2007
En tout cas, moi, j’ai fait le mien.
Rencontre surprenante avec le neurologue aujourd’hui. Il ne comprend pas que je veuille retourner dans ce pays de montagne où une de ses connaissances a dû faire demi tour dès l’atterrissage ; mal d’altitude oblige. Il est tellement épaté que non seulement je parvienne à y vivre mais aussi à y faire du sport, qu’il a décrété que mon mal de crâne était dû, accrochez-vous bien, à « entorse des muscles du cou »… Laissez moi rire. J’ai dû mentionner le vélo comme une de mes activités physiques et le voilà parti… Comme la seule fois de sa vie où il en a fait il a fini avec un torticolis, il a décidé que, pour moi, cela devait être la même chose… Décidément, même les médecins y vont de leur petite histoire…
J’ai revu aussi l’ORL, je ne sais pas bien pourquoi, probablement pour huiler la machine à sous. Et puis les thaïs et l’anglais, c’est parfois difficile… alors qui sait peut-être me suis-je mal faite comprendre.
Heureusement je suis parvenue à voir un gastro-entérologue qui semblait avoir la tête sur les épaules. Il a ausculté mon ventre, confirmé qu’il était en vrac - les enfants au gros ventre sur les prospectus d’action contre la faim, c’est moi en ce moment, la maigreur en moins ; ou, si je n’avais pas mené une vie de nonne ces derniers mois, je me demanderais si je n’étais pas sur le point d’accoucher… Il m’a demandé comme tous les médecins jusque là si je mangeais suffisamment de fruits et de légumes, si je buvais beaucoup, si je faisais du sport tous les jours, si je n’abusais pas de la bière… OUI, OUI, OUI, NON… Bon d’accord, j’aime le pain, le chocolat et le café mais à part cela, je n’ai quand même pas une trop mauvaise hygiène de vie…Il en a conclut que mes intestins se révoltaient contre les précédentes attaques à répétition et qu’il fallait par conséquent que j’en prenne soin pour quelques temps. Quelques pilules supplémentaires à avaler par là…
Enfin le spécialiste des parasites, bactéries et autres infections, perturbée par la constante négativité des résultats d’analyse, a émis deux hypothèses : soit il s’agit d’un germe qu’elle n’a pas encore rencontré, soit la batterie d’antibiotiques administrée au Bhoutan est parvenue à faire le ménage. Les symptômes persistant s’expliqueraient alors par la fatigue générale du corps et le temps requis pour tout remettre en ordre… Patience donc.
C’est en tout cas l’option que j’ai choisie. Maintenant que la fièvre est finalement tombée, que je parviens à marcher relativement droit et que mon cerveau n’est plus aussi ankylosé, je vais retourner au Bhoutan et finir mon boulot. Si prochain déraillement il y a, je prends le premier avion vers la France.Pour vous, cela signifie donc la fin de ces mortels bulletins médicaux… Ouf me direz-vous. Merci en tout cas pour votre patience et soutien.

Bienvenue au… Samitivej
3 septembre 2007
Me voilà transportée dans un autre monde. Immense complexe bordé de palmiers et bardé de baies vitrées. Tout est clair et étincelle de mille feux… jusqu’aux dents du personnel.
Première étape, le manageur de votre parcours santé vous accueille à la sortie du taxi. Admission : nom, âge, sexe, statut marital, religion, profession, personne à contacter en cas de problème et puis, votre portait… Un simple clic depuis le comptoir. Deux secondes plus tard toute cette information, photo y compris, se retrouve sur les entêtes des éléments de votre dossier qui vous accompagnera durant toute la durée de votre séjour. Ce bref portrait est aussi imprimé sur un bracelet que vous êtes sensé porter en permanence. Une fois ces formalités remplies, votre infirmière vous accompagne vers le docteur qui vous a été recommandé au vu des résultats des premières analyses transmises la veille par email.
A peine le temps de vous asseoir dans de confortables fauteuils en cuir que vous voilà sollicité de nouveau par une autre sourire… Bienvenue dans la salle de mesure des principaux signes vitaux : poids, pression artérielle, rythme cardiaque et température. Ces trois dernières mesures ponctueront votre vie au Samitivej, à la fréquence minimale de 5 enregistrements par jour.Décidément le temps est ici compté. Vous savourerez le moelleux du cuir et la saveur du thé une autre fois. Une seconde porte verte s’est déjà ouverte.Un médecin vous reçoit, il vérifie quelques points de votre historique médical puis vous conduit vers le fond de son bureau, toujours aussi propre et net, pour un examen médical classique. Seulement voilà, aussitôt ausculté, vous vous retrouvez dans la salle de radio vêtu d’une magnifique tenue d’intérieur violette. Ensuite, ce sont les prises de sang, de retour dans une petite salle verte et crème, malgré les quelques 10 tubes prélevés, vous ne ressentez aucune douleur. Détendez vous, des fées s’occupent de vous.
A peine deux heures après mon arrivée, les premiers résultats arrivent. Négatifs. Je rejoins ma chambre, chambre d’hôtel, si l’on omet le lit et le goutte à goutte. Chambre froide tout de même, je ne me sens pas très rassurée, surtout que je n’ai toujours aucune certitude quant au pourcentage que l’assurance prendra en charge. Je n’ai jamais demandé tant de luxe, juste des soins corrects.
Le lendemain, la chasse à la maladie reprend son cours.Le jeu de pistes est ici bien moins éprouvant qu’au Bhoutan ; vous avancez d’une propreté exquise à une autre, dans un cadre vert et lumineux, au son de Chopin joué sur un piano à queue… En outre, pas de risque de vous perdre ou de vous décourager dans votre parcours car vous êtes toujours accompagné, en fauteuil roulant même s’il le faut, et puis, surtout, les médecins sont toujours présents au rendez vous…
Seulement voilà quel pourcentage de la population thaï a accès à la médecine de pointe de cette machine à fric ? Il ne faut pas se faire d’illusion en effet, les services médicaux se vendent ici comme n’importe quel produit ; sourire, propreté, attention de chaque instant ne sont que des arguments marketing… Ici, on offre des croisières médicales de luxe pas de santé minimale pour tous.

Dernières pistes
3 septembre 2007
Apparemment il n’est pas aussi simple que cela de prendre soin de sa santé. Non seulement l’assurance ne prend pas en charge les vols aller-retour pour rejoindre l’hôpital -ce qui dans le cas du Bhoutan se monte à 700€- mais en outre, il faut obtenir un certificat prouvant que vous ne pouvez être soigné sur place, l’envoyer dans mon cas à un médecin à Rome qui choisit alors de valider ou non l’ordre d’évacuation. Si la deuxième condition semble légitime, essayer de la faire appliquer à quelqu’un qui se traîne 38 °C de fièvre depuis 5 jours, qui est malade pour la quatrième fois en deux mois…
Lorsque j’ai appris la nouvelle, je me suis écroulée en larmes, trop épuisée pour faire quoi que ce soit. Heureusement Verdell était là pour veiller au grain. Elle m’a pris un rendez vous avec un docteur habilité à signer des ordres d’évacuation… Encore un autre médecin, encore un autre diagnostique : après le rhume, l’infection virale, je vous présente la typhoïde… S’en était trop pour moi, en plus je suis vaccinée contre cette dernière. Leur diagnostique ont-ils réellement un sens ?
Dans l’après midi, la fièvre a un peu baissée… Je ne voyais pas pourquoi je devais partir dans ces conditions. Verdell qui m’avait assistée jusque là en a eu mare… Elle m’a planté là. « Reste si tu ne veux pas te soigner mais ne compte plus sur moi pour t’aider…» Plus de soupe, plus de compagnie, plus d’assistance dans les dédales de l’hôpital et de l’organisation des Nations Unies…Désemparée, je retourne voir le seul médecin qui m’avait semblé cohérent, Dr Rai, médecin colonel. Je lui explique mon cas, la fièvre qui ne se décide pas à partir, les mots de tête qui persistent, la pression de tous mes collègues expat pour que je parte…Il m’examine une nouvelle fois, me rassure sur la possibilité de méningite évoquée par certains. Si c’était le cas vous ne pourriez plus faire oui de la tête… Me voilà rassurée. Vous n’avez plus de fièvre ajoute-il, ne vous inquiétez pas, nous allons vous surveiller et tout ira bien… D’accord, oh name same kadrinche comme on dit là-bas !
Seulement lorsque j’arrive à la maison mon front est toujours chaud et, d’après le thermomètre de ma maman, j’ai toujours 37.7 ; soit plus d’un degré de plus que ma température normale. En outre, Tshewang me raconte qu’un de ses profs à l’université s’était choppé des vers qui avaient migré dans son cerveau…C’est amusant comment chacun y va de son petit diagnostique ; personne n’est médecin mais chacun a une histoire à raconter…Cette histoire fut une de trop ; ajoutée à la solitude dans laquelle je me retrouve depuis la désertion de Verdell ; il est temps que je parte…

Linghzi, balade alpine (4/4)
27 août 2007
Pour finir sur une note positive, le technicien d’élevage m’a emmenée rendre visite à une famille d’éleveurs établie au bord d’un lac, au pied d’un glacier. Possédant suffisamment de pâturage, éleveurs et troupeaux se portaient bien. Nous avons même assisté à une naissance ! Pour une fois que je ne jouais pas l’oiseau de mauvais augure…

La famille -mère, fille et enfants- nous a accueilli à bras ouverts. Les enfants au départ méfiant se sont rapidement enhardis et ont pris un plaisir certain à se glisser devant la caméra. A tel point que j’ai eu du mal à obtenir des yaks en solo !

Mère et fille nous ont servi un curry de choux, denrée rare en ces terres d’altitude où les produits animaux sont rois… Surtout, j’ai pu participer aux différentes tâches qui constituent le métier d’éleveur. Faire soi même, se lever à 4 heures dans le froid et l’humidité pour la traite, escalader les versants escarpés pour rassembler les yaks le soir, collecter du bois et de l’eau… Cela ouvre une nouvelle perspective sur le métier d’éleveur.Plaisir de l’échange que nous avons dû écourter, car il nous fallait gagner Lingzhi à la mi-journée pour envoyer nos sacs vers Soe. La disponibilité des chevaux est vraiment un facteur limitant dans ces contrées !
Après midi libre à Lingzhi donc. Lingzhi, un dzong, un ensemble de 4 hameaux de 2 à 5 maisons chacun et le quartier des fonctionnaires. Ce dernier a moins de 20 ans et résulte de la politique de développement du Bhoutan qui atteint même les régions les plus reculées. Chaque communauté dispose d’une école primaire, d’un centre de soin de base (sans docteur ni infirmière, juste un aide soignant initié aux principaux problèmes de santé et doté de médicaments), de services « vétérinaire », agricole et / ou forestier selon les activités économiques de la zone, un représentant du Dzongkag, et dans les villages munis d’une connexion satellite, des représentants de l’opérateur téléphonique local. Ces fonctionnaires, souvent des urbains expatriés, permettent à leurs concitoyens d’accéder à un service social minimum mais ils souffrent d’isolement… surtout le responsable du centre de soin qui doit rester avec la communauté même durant les 4 mois d’hiver, alors que tous les autres collègues rejoignent leur famille dans la vallée.


Lingzhi, c’est aussi le Dzong, probablement ouvert toute l’année, j’avoue ne pas avoir demandé. Fonction essentiellement religieuse à Lingzhi qui abrite une vingtaine de moines. Je ne voulais pas repartir sans pénétrer cette forteresse perchée. Cependant voilà, je venais de renvoyer ma kira avec les chevaux… Qu’à cela ne tienne, j’irai en gho, tenue des hommes prêtée par mon collègue… je pensais pouvoir me la jouer discrète mais c’était sans compter sur l’hospitalité du Lama… Il nous a invité à prendre le thé dans ses quartiers. Mes collègues ont expliqué ce que nous étions venu faire ici, d’où je venais… Ils ne sont pas parvenus à dissimuler ma féminité. Laissant le lama interloqué… Une elle en gho, comment cela ?


Bangkok ou pas
27 août 2007
Dans la série je suis malade, je demande l’expat du Bhoutan.
Que faire ? Est ce que je continue à attendre ici, entre rechutes et diagnostics folkloriques ? Ou, est ce que je fais comme tous les expats, j’utilise mon droit à un check up complet à Bangkok ? Bangkok pointe de la médecine tropicale contrairement au Bhoutan où certains semblent se nommer docteurs alors qu’ils n’ont qu’une licence en science, spécialité médecine humaine…
Pourquoi pas me direz vous ? Après tout si je ne prends pas ma chance maintenant et si je suis prise d’une rechute, il ne me restera plus qu’à tout payer de ma poche. En effet début octobre, plus de contrat donc plus d’assurance santé… En outre si jusqu’à présent je parvenais à bosser un peu, depuis jeudi c’est le légume complet.
Seulement voilà, si demain, il se trouve que je vais bien, je vais avoir envie d’avancer dans mon boulot, de prendre l’air, pas d’être à Bangkok à expliquer que si j’étais malade, croyez moi…. Mais non madame vous n’avez rien, vous faites des simagrées…
Verdell ma copine qui fait office d’infirmière ces derniers temps est en train d’appeler Rome en ce moment. Est-ce que je vais me retrouver en vol dès demain ?

Encore!
24 août 2007
Radieuse, amoureuse, fortunée…Non rien de tout cela…Juste malade.Hier soir, j’ai pu goûter le confort de l’hôpital de Thimphu !
Je dois bien avouer que j’ai été chanceuse car j’ai obtenu le lit de l’entrée, pas celui coincé entre un alcoolo et un épileptique tout deux en pleine césure…Chanceuse aussi car je ne voyais rien, pas de lunettes, perdues dans la bataille et puis je planais à mille lieues dans les méandres d’un brouillard de fièvre.Je me concentrais sur des images de plage, soleil et sable chaud de Thaïlande ou de Corse, alors que mes amis essayaient de faire tomber la température en me couvrant de serviettes mouillées… tête en feu, corps gelé. Pour le coup, on aurait vraiment pu faire frire un œuf sur mon crâne.
Chanceuse donc surtout parce que bien entourée. Lorsque cet accès de fièvre m’a prise, je me suis traînée chez mon voisin de palier pour demander de la glace. J’avais déjà pu vérifier que les japonais étaient bien mieux préparés que quiconque à la vie d’expatrié. JICA veille au grain. Un gars et une fille sont donc venus m’apporter tout cela. Ils avaient fait la collecte de glace et de petites serviettes dans tout l’immeuble. Trop chou ; et dire que je ne connais toujours pas leur nom…Mais la fièvre ne tombait pas, au contraire, j’ai peu à peu perdu le contrôle de mes mains et de mes pieds. Mon corps avait décrété que le cerveau devait être irrigué en priorité, le reste attendrait. J’ai alors commencé à m’inquiéter, j’ai demandé aux japonais d’appeler Verdell (et oui mon portable, en aussi piètre santé que moi, avait rendu l’âme la semaine passée).Elle est venue rapidement, accompagnée de Tshewang, dont elle partage l’appartement. Ils m’ont enroulée dans une couverture, et transportée jusqu’à la voiture (trois étages plus bas) puis jusqu’aux urgences. Je ne suis pas une malade facile, ils ont donc eu bien du mérite. Aux urgences, ils se sont attelés à faire baisser la fièvre, rapidement rejoints par un collègue et sa femme. Cela a pris près de quatre heures. Il a aussi fallu que je refasse des tests, sang et urine, sans que rien ne soit réellement concluant… ce qui m’a permis de rentrer chez moi à minuit passé.
Aujourd’hui j’y retourne. Je vais déjà beaucoup mieux car la fièvre s’est pratiquement envolée. J’aimerais bien, cependant, enfin savoir ce qui ne tourne pas rond, afin d’en finir une bonne fois pour toute avec ces sempiternelles rechutes.

Linghzi, balade alpine (3/4)
23 août 2007
Nous passons le col le lendemain juste avant une trombe de grêle… Encore quelques heures de marche et le voilà, ce dzong perché gravé dans ma mémoire. Lingzhi était devant nous…

De là nous formons deux équipes afin de rencontrer le maximum d’éleveurs… Sangay, Namgay et moi d’un côté, Phuntsho et Gyem Tshering de l’autre.Nos premières enquêtes sont effarantes, éleveurs déprimés devant le taux de mortalité anormalement élevé. « Gid disease » (maladie causé par un parasite intestinale du chien Multiceps Multiceps qui s’attaque au cerveau des herbivores, causant tout d’abord des vertiges et pertes de repère chez l’animal -d’où son nom- conduisant enfin à la mort) mais aussi manque de fourrage sont à l’origine de cette hécatombe.Partout les éleveurs s’affairent à découper leurs animaux morts de façon à en faire de la viande séchée, bien maigre consolation car la viande d’animaux épuisés est bien trop maigre pour trouver acquéreur sur le marché. Certains éleveurs ont perdu jusqu’à trente animaux. Débordés, ils mettent certains animaux au « frigo » dans la rivière pour gagner un peu de temps.


Un désastre en soi. Un désastre encore aggravé par le fait que près de 60% des troupeaux de cette région appartiennent à des monastères. Ces derniers qui possèdent les droits de pâturage, donnent leurs animaux en gardiennage. Le contrat le plus fréquemment pratiqué s’appelle « Kimey Shimey », pas de naissance pas de mort. Ce contrat est très avantageux lorsque les conditions sont favorables, que le troupeau grossit ; l’éleveur voit alors la taille de son troupeau personnel augmenter. Mais, lorsque comme ces dernières années les animaux meurent en grand nombre, l’éleveur doit non seulement fournir les 1.3 kg de beurre par animal inscrit au contrat mais aussi maintenir les effectifs. Compenser avec son propre troupeau si possible ou acheter à des voisins pour être en mesure de satisfaire les monastères… Une épée de Damoclès pour les éleveurs touchés par cette hécatombe.
La collecte de Cordiceps Sinensis, chenille champignon très prisée de la médecine chinoise et qui s’arrache à prix d’or (vendu entre 5000 et 6000 € le kilogramme cette année) sur le marché international permettra de compenser certaines des pertes. Mais, après cela, les éleveurs souhaiteront-ils encore poursuivre ce métier difficile et risqué? Pourquoi ne pas acheter une petite parcelle de terre dans la vallée et se contenter de petits boulots dans l’attente de la prochaine récolte de cordiceps ?


Linghzi, balade alpine (2/4)
20 août 2007
Le lendemain, mes collègues étaient parvenus à un accord avec les « horsemen », ils nous accompagneraient jusqu’au premier village d’éleveurs de yaks à une demie journée de marche d’ici. La perspective d’une petite journée me réjouit car, je suis, comme qui dirait, épuisée. Même mon petit sac à dos me semble peser des tonnes. Lever une jambe après l’autre est une vraie galère.
Soe te voilà ! Enfin ! Merci. Je m’affale sur une chaise, soulagée.
Faire des enquêtes ici oui avec plaisir, je ne me vois pas affronter un col à 5000m demain… et puis j’aime bien cet endroit aussi, camp de base du Jomolhari, le joyau bhoutanais, la perle blanche. La destination du trek le plus touristique au Bhoutan. Un bon moyen d’étudier l’impact du tourisme sur l’élevage de yaks…
En outre, le lendemain, le ciel est d’un bleu azur ; mes boyaux vidés, l’envie de partir à la rencontre des éleveurs de yaks renaît. C’est chose faite avec Namgay Chencho, « soundbox » de son petit nom, qui, est ravi de partager les connaissances accumulées durant les 5 années passées au sein de cette communauté. Le flot ne tarit pas. Un régal. Il est évident qu’il s’est bien intégré, les portes nous sont ouvertes toutes grandes.
Ce jour là nous faisons trois enquêtes, bien au chaud dans nos tentes en poils de yak. Enchanteur, jugez vous-même.
(Jomolhari 7315m, Bja ou tente en poils de yak -chaque campement a sa fondation en pierre sur laquelle vient se poser le tente qui elle se déplace avec les éleveurs-, Jitchu Drake 6850m)





Linghzi, balade alpine (1/4)
17 août 2007
Je suis tombée sous le charme de ce département en 2005. En trek à l’époque, je n’avais fait que le traverser, les portes étaient restées closes. Depuis, j’abritais le secret désir de revenir découvrir ces vallées perdues à 6 heures de marche du Tibet…
Lors du choix des terrains cette année, mes collègues n’ont donc eu aucun de mal à me convaincre d’affronter les 4 jours de marche qui séparent Thimphu de cette région d’éleveurs de yaks. Expédition d’autant plus attrayante que les membres de notre équipe s’annonçaient fort sympathiques : mon amie Sangay, Phuntsho Namgay un collègue drôle, compétent et motivé, ainsi que deux jeunes techniciens.
Les premiers pas ont cependant été délicats. Pas de chevaux à touristes pour nous comme nous travaillons pour le gouvernement… Bien que levés à l’aube nous avons dû attendre jusque-là la mi -journée pour voir arriver le second de nos «horsemen», complètement saoul. Le premier était indélogeable, perdu dans les jupons de sa seconde femme. En plus des mules vacillantes de notre alcoolique, nous avons donc organisé trois chevaux, à touristes ceux là ; le double du prix. Enfin nous voilà parti.
Les gouttes d’eau se font plus denses à mesure que l’heure avance. Les parapluies ne n’y suffisent rapidement plus. Lorsque nous atteignons le dernier village de la vallée, nous sommes trempés. Pieds mouillés le premier jour… hum… ce n’est pas de très bon augure… Au moins nous n’avons pas besoin de monter les tentes ; un bureau désaffecté nous servira de toit. Phuntsho Namgay en plus d’être de bonne compagnie se révèle être un excellent cuisinier. Il nous mijote un délicieux «shamu datse», curry aux champignons, mon plat préféré. Notre horeseman était malheureusement trop bien pendu à sa bouteille de whisky pour daigner y goûter.
Nous reprenons la route le ventre plein (pour la majorité d’entre nous) et les pieds presque secs… Pas pour longtemps cependant car la pluie reprend déjà sa douce mélopée. A la mi journée, mon parapluie rend l’âme … Je ne sais s’il s’agit de l’eau mal bouillie ou du froid qui s’installe, mais mon ventre commence aussi à se rebeller… Trois heures plus tard, alors que je n’ai qu’une envie, atteindre le campement, monter la tente et m’emmitoufler dans mon sac de couchage, il nous faut attendre ce calamiteux «horseman»… Nous l’attendons dans une espèce de grotte. Salutaire sur le moment, la perspective d’y passer la nuit à 7 ne m’attire pas le moins du monde. Il n’y a pas suffisamment de place que pour deux matelas ! Et dormir assis moi, franchement, cela ne me dit rien. En plus, c’est officiel les amis, mon ventre est mécontent…
La nuit tombe. Toujours pas de chevaux à l’horizon ; qui dit pas de chevaux, dit pas de nourriture pas de matelas, pas de tente, pas de sac de couchage…
Enfin une de nos mules arrivent, endiablée. Elle s’est débarrassée de sa charge, poursuit sa course effrénée jusqu’au pont avant de s’écrouler… elle agite ses pattes en l’air… Je ne suis pas la seule à avoir des problèmes d’estomac. L’avoine verte mangée dans la vallée après des mois de nourriture sèche a causé son terrible effet. Coliques néphrétiques. La mule souffre le martyre. Mes collègues récoltent toute l’aspirine à disposition pour calmer la douleur de cette pauvre bête et lui donner une chance de s’en sortir. En vain. Après quelques dizaines de mouvements désordonnés la bête s’écroule sans vie. Le vent de la mort assombrit les esprits… le horseman soudain dégrisé pleure sa perte, le fruit de plusieurs années d’économie… Nous sommes désolés pour lui ; nous réfléchissons à un moyen de lui venir en aide. Je récupère mon sac à dos pour alléger sa peine.Nos bonnes intentions s’évanouissent rapidement cependant. A peine arrivé, le gars se jette sur sa bouteille de whisky et commence à médire. Nous lui avons jeté un sort. Il ne fera pas un pas de plus.Cela tombe bien car l’autre horseman nous avait aussi annoncé dans la journée sa volonté de s’en retourner…
Nous voilà bien. Sous la pluie, à deux jours de Lingzhi, malade pour moi…

Back to life
14 août 2007
Eh oui, je sors juste d’une pénible période : trois semaines à s’efforcer de trouver suffisamment d’énergie pour aller au boulot, tenir la journée, avant de s’écrouler sans force et dans un état d’indisposition intestinale sévère.
Les antibiotiques pris en avril sont restés sans effet contre cet hôte indésirable. 2 améliorations et autant de rechutes plus tard, je me suis vu contrainte de braver les couloirs de l’hôpital de Thimphu. Première tentative désastreuse : on m’a renvoyée à la maison avec un médoc contre le ballonnement et un anti-nauséeux ; traiter les symptômes sans s’attaquer à la cause du mal n’a jamais résolu le problème. J’ai donc sollicité l’aide d’un de mes collègues pour me trouver un médecin digne de ce nom ou du moins, qui prendrait le temps de faire un diagnostic correct. Je ne veux pas en effet dénigrer les médecins qui travaillent sous pression, et doivent gérer chaque jour une marée de patients, sans réelle possibilité de les examiner (médecin et patient disposent de 5 minutes et d’une chaise chacun dans une salle bruyante partagée par deux ou trois autres docteurs et un flot incessant de patients et d’aides soignantes). Cependant, cette expérience conforte l’impression que, sans connaissance, le bhoutanais moyen risque fort de se perdre pendant des heures, voir des jours, dans ce dédale, et ce, sans résultat.
Ce passage à l’hôpital m’a aussi permis de relativiser ma condition. Certes, il est déprimant de ne rien pouvoir faire de personnel, de n’avoir pour compagnie que les quatre murs de sa chambre. Le moral part en vrille, on se demande ce qui l’on fait dans ce pays étranger dont on ne profite pas alors qu’un de ses meilleurs amis se marie… Mais tout cela n’a rien de dramatique en soi. Rien de comparable à l’angoisse suffocante des chambres communes de 20 lits : troublant cris de douleur, odeurs de médicaments, de souffrance et de nourriture qui se mélangent à l’écoeurement, tandis que silence et repos s’évadent au rythme du va et vient des familles qui ont la charge d’alimenter, laver et blanchir leur malade. Encore, ici, contrairement à ce que j’avais pu voir au Cameroun, chaque patient a son lit.
Ce week-end, j’ai enfin pu tourner la page des ennuis de santé à la faveur d’une combinaison d’antibiotiques du tonnerre. Egoïstement, je rejoins le monde des vivants, je goutte avec délectation aux multiples plaisirs d’une vie entière. J’ai pu faire un footing pour la première fois ce soir. Il me reste deux mois tout juste pour profiter de ce pays et vous le faire partager.

Premiers pas
28 juillet 2007
Les premiers pas vers les éleveurs de yak, mes collègues et moi les avons franchi à Haa. Haa une des régions les plus secrètes du Bhoutan -pas idéal pour commencer notre étude- mais il s’agissait du seul Dzongkhag proche de Thimphu où les éleveurs étaient encore accessibles en moins d’une journée de marche. Nous avons donc planté notre tente à 30 minutes du bout de la route.Malgré la proximité de la ville de Haa, nous avions bien franchi les portes d’un autre monde. La maison bleue que je partageai avec 3 de mes collègues se trouvait sur le campement d’hiver d’éleveurs. Pour la première fois de ma vie, j’allais donc vivre au rythme d’éleveurs de yak ou plutôt d’éleveuses. Deux femmes seules qui vivent loin de leur famille pour prendre soin de leur troupeau. En hiver 2 petites heures de marche les séparent de leur village, en été plus de quatre jours. Elles nous ont raconté la faim qui parfois les tiraille lorsque leur famille tarde à leur apporter leur ration… les doigts qui gèlent… les tibétains qui passent la frontière et régentent leur accès au pâturage et au bois de chauffage…Des moments inoubliables passés au coin du feu à la lueur d’un lampe à huile, à discuter, cuisiner, baratter le beurre sans baratte, faire du fromage… Nous avons également collectés les mâles, reproducteurs et animaux castrés utilisés pour porter les rations jusqu’au campement d’été, qui en hiver paissent librement, séparément du troupeau de jeunes et de femelles. Notre Am Yangzom malgré ses 50 ans passés était leste comme une gazelle courant après ces yaks sur ces à pics. Magnifique.


Et puis mon amie Sangay du taekwondo était là pour traduire et s’émerveiller avec moi de ce mode de vie si différent du notre…Une mode de vie menacé cependant du fait de l’écart de conditions de vie qui se creuse entre urbains et ruraux de l’extrême… cabane en bois, lever à l’aube, coucher au crépuscule, pas de télé, pas de divertissement, conditions climatiques difficiles. Froid la plupart du temps, humidité en été, transhumance sous des trombes d’eau ou sous la neige selon les saisons, attaques par des animaux sauvages protégés, ours, léopard des neiges… difficultés du métier encore accrues par un cruel manque de main d’œuvre…Les enfants qui restent dorénavant au village et vont à l’école souhaitent rarement reprendre la suite. Qu’adviendra-t-ils de ces magnifiques animaux ? Qui gardera dorénavant la frontière ?



Tuesday, July 17, 2007

Sourire retrouvé
5 juillet 2007
Je ne sais ce qui leur est arrivé pendant la nuit mais, aujourd’hui, j’ai de nouveau eu le sentiment de faire partie de la maison.
On m’a apporté la lettre signée à 10 heures. 6 personnes du département vont donc commencer à saisir les données à partir de lundi. Mieux vaut tard que jamais.
Le second aux commandes a finalement desserré les dents. Il est venu voir le demi bureau que j’utilise et m’a demandé si je ne trouvais pas cela un peu étouffant. A votre avis… Il est désolé m’a- t- il dit. Il est parti… et revenu avec deux collègues. Ils ont déplacé le photocopieur et les cartons qui occupaient la majorité de l’espace qui m’était alloué. Je peux enfin me déplier. Ouahh! Bien sur, le gars dont je partage le bureau, qu’ils n’ont pas cru bon d’informer avant, a un peu tiré la tronche… Mais cela lui est passé.
Le directeur est même venu blagué dans mon bureau.
Et puis je pars demain pour Paro pour former les techniciens pour qu’ils réalisent les dernières enquêtes «lait de vache». Ils m’ont trouvé une voiture et tout…
J’avoue que je ne comprends pas. Est ce qu’ils ont senti que je n’encaisserai plus? Est ce qu’ils avaient besoin de se réhabituer à ma présence ?



Ubuesque
5 juillet 2007
Depuis le début de la semaine, j’attends une signature pour pouvoir commencer la saisie des données collectées sur le terrain.
J’ai besoin d’une signature du département d’élevage (DoL) pour mobiliser le personnel requis pour la saisie. Le DoL a en effet choisi de tout faire en interne malgré les dépenses élevées que cela implique ; toutes les autres équipes impliquées dans le projet filière de la FAO ont fait appel à du personnel extérieur payé en tout et pour tout 300 Nu par jour…
Le directeur a annoncé hier qu’il ne voyait pas pourquoi il signerait alors qu’il n’a jamais entendu parler de ce projet…C’est tout de même lui qui a signé tous les documents jusque là…
Je n’avais plus de bureau, je n’ai maintenant plus de reconnaissance officielle. Il y a des jours où l’on se demande vraiment ce que l’on fait si loin de chez soi…



TA mon amour
4 juillet 2007
TA ou Travel Allowance, ces indemnités de déplacement dont les bhoutanais raffolent. Elles sont constituées de deux composantes dont le montant varie avec le grade du personnel : indemnités journalières (DSA) et indemnités de transport (bus, indemnité kilométrique ou chevaux et porteurs selon les cas). Jusque là, rien de plus normal. C’est la manière dont mes collègues en usent et en abusent qui est effrayante. Je suis désolée de commencer par là le récit de mes deux mois de terrain mais je me suis prise une autre douche froide à la sauce TA aujourd’hui alors je vous mets au parfum. Les fleurs attendront un peu, le Bhoutan n’est pas tout rose, il faut bien qu’il assume.
Les surprises ont commencé avec le premier terrain à Ha. J’avais choisi Ha comme premier terrain et ce, malgré le fait que c’est une des régions les plus secrètes du Bhoutan, car les éleveurs de yak étaient encore dans la vallée ce qui nous permettait d’optimiser le nombre d’interviews en un temps et budget limité. C’était sans compter sur la rapacité de mes collègues qui ont demandé des « TA lourds » avec chevaux et porteurs bien que nous n’en ayons utilisés aucun… le plus comique est que les techniciens de Ha n’étaient qu’à une demi heure de route de chez eux…
Second terrain, seconde surprise. Lingzhi, officiellement 5 jours de marche depuis Thimphu, nous avons atteint la destination en trois. Mes collègues ont tout de même fait en sorte de modifier la réalité de nos journées pour s’assurer un nombre maximum de TA, jusqu’au double pour le technicien de Lingzhi qui ne faisait, après tout, que travailler sur son district…
Le troisième terrain a confirmé ce triste appétit. Les techniciens de Merak et Sakteng, non contents d’être incompétents et paresseux, de passer leurs nuits à boire et à courir les jupons, de jouer aux cartes plutôt que de faire des enquêtes, ont demandé, eux aussi, des indemnités correspondant au double du nombre de jours passés ensemble… sauf que cette fois le terrain n’est qu’à une journée de marche de la route… Ils ont même demandé des indemnités pour une journée de préparation sur Trashigang, alors que nous les avions attendus en vain ce jour là… Sans gêne… je suis parvenue à dessaler un peu leur note mais pas encore suffisamment à mon goût.
A Bumthang la surprise fut liée non au nombre de jour - nous nous étions mis d’abord avant le départ- mais au montant des TA. Le budget, validé par mes collègues du département, mentionnait une indemnité journalière de 700 Nu (14 euros) pour les techniciens de terrain. A Bumthang ils m’ont demandé 1400 Nu par jour… Je ne sais pas qui était de plus mauvaise foi : les techniciens ou mon collègue de Thimphu qui m’avait soigneusement caché que les agents de terrain pourvaient prétendre à des indemnités journalières élevées. La hausse du prix des chevaux et porteurs avec effet immédiat y était aussi pour quelque chose. Quoiqu’il en soit, cette annonce m’a prise au dépourvu et j’ai dû ratisser fonds de tiroirs, professionnels et perso pour satisfaire la demande…
Une fois payé tout le personnel mobilisé pour les enquêtes, je pensais que mes maux de tête DSA allaient prendre fin. C’était sans compter sur la créativité de mes collègues. Un « boss » avait besoin d’arrondir sa fin de mois, il m’a donc inventé le « DSA fantôme », terrain depuis son bureau, financé aux frais de la princesse… J’ai refusé. Je ne saurai jamais cependant s’il est parvenu à le faire dans mon dos ou pas.Et dire que moi, qui ne touche pas de DSA, j’ai réglé un nombre bien trop élevé d’additions d’hôtel ou de restaurant… ils considèrent tellement cela comme un dû que cela en devient écoeurant…
Cette forme de corruption est présente à tous niveaux. Les agents de terrain se goinfrent de TA, les diplômés de bourses et indemnités de déplacement à l’étranger et même les éleveurs prélèvent leur part du gâteau ; normal! Chaque fois que vous faîtes une enquête, il faut donner de l’argent de 1 à 2 euros, deux euros aussi pour obtenir leur présence lors de discussion de groupe… la pratique la plus atypique réside dans l’accueil du nouveau venu avec des produits de la localité ; beurre, fromage, alcool…à foison. On peut penser au don et au contre don mais, lorsque l’on vous donne bien plus que ce que vous pouvez consommer, que le reste est perdu et que le contre don attendu est de la monnaie sonante et trébuchante, j’appelle cela de la vente forcée, pas du don….
Tout est relatif bien sur, il n’existe pas de pays sans corruption. Au Cameroun par exemple, c’était bien pire, les flics nous rackettaient sur le chemin du boulot… Mais, ils n’avaient pas touché leur paye depuis des mois, alors comment leur en vouloir de chercher à nourrir leur famille ? Et puis nous étions indirectement responsable de cette situtation, résultat des services publics sacrifiés à l’aune du PAS (plan d’ajustement structurel) imposé par le duo FMI / banque mondiale pour «aider » le pays à payer sa dette.Le Bhoutan n’est pas dans cette situation de carence. Il s’agit plutôt d’une société féodale où l’allégeance rémunérée « aux plus forts » s’est institutionnalisée. La commission de lutte contre la corruption a encore du chemin à parcourir…



Confusion
26 juin 2007
Je suis perdue aujourd’hui.De retour sur Thimphu, cité de lumières, après ces mois de terrainDes voitures, des boutiques et, la foule.Je suis en état de choc.Epuisante phase de collecte de données ;Je suis parvenue à traîner mes collègues sur des chemins de brumes et de brouillards,Sur les traces des yaks et de leurs éleveurs ;Difficile de les motiver, difficile de les payer, difficile de ne pas m’énerver.
Retour délicat dans mes baskets urbaines,Appréhension à la vue de l’homme blanc ;Peur de relâcher mes sentiments,De me laisser emporter par le courant.
Que reste-t-il de moi ?Un bureau volatilisé, des collègues trop occupésJe suis partie trop longtempsLe vent m’a balayée, me laissant interloquée
Que garder de toi ?Batailles sous la pluie, hordes d’insectes, nuits brèves…Des rencontres aussi, des échanges sans mots, des souriresLa découverte d’une culture, de cultures ; en voie d’extinction…Des doutes sur les démarches à suivre
Donnez-moi quelques jours et je vous raconte tout cela



Prêt-à-porter
23 avril 2007
Pour vous changer les idées après ces élections: le sourire de ma couturière favorite au Bhoutan.
Ne croyez pas qu’il s’agisse de haute couture, pas de cela ici, mais bon elle et son patron indien sont les seuls de la ville à nous offrir des choses un peu plus élaborées que le go ou la kira (tenue traditionnelle de l’homme et de la femme respectivement). C’est grâce à eux que je me protège du froid avec charme: je leur dois une veste en poils de yak coupe tibétaine que j’adore et qui est devenue ma seconde peau.
Aussi aujourd’hui, alors que je récupérais des kiras que j’avais faites transformer en « half », je l’ai laissé me montrer sa nouvelle création. Ses yeux brillaient de fierté. Malgré l’heure tardive, je ne pouvais résister. D’un tiroir de l’arrière boutique, elle a sorti son trophée… qui ne ressemblait ni plus ni moins qu’à une half kira. Mais là, quelle ne fut pas ma surprise ! La taille était ajustée et munies de velcros et de pressions pour maintenir ce qui était devenue une jupe en place !
Yes ! Je ne vais plus avoir besoin de me battre tous les matins pour faire en sorte que le pli soit bien droit, que l’écart entre les deux pans soient proche des 10 centimètres standards et que le pan intérieur ne dépasse pas celui de devant… Ce qui relevait de l’impossible avec un drap, promet de devenir un jeu d’enfant ! Peut-être qu’enfin je ne vais plus ressembler à un sac à patates !
Ma petite Yangzom venait de créer le prêt-à-porter bhoutanais ! Et moi, de lui donner plus de travail au lieu de récupérer ce que j’étais venue chercher.

Vote
22 avril 2007
Droit de chaque citoyen dont je me suis retrouvée privé aujourd’hui. Je fais partie des plus de 10000 expatriés français qui se sont vus rayer des listes électorales par le Ministère des Affaires étrangères. Jusqu’à l’article paru sur nouvelobs.com le 20 avril, je pensais être un cas isolé. Ayant fait le nécessaire pour pouvoir voter par procuration, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une lettre recommandée indiquant que je n’étais plus inscrite sur la liste de Nantes mais sur celle de New Delhi. New Delhi est à 4h de vol et 700€ de Thimphu où je travaille depuis 2005.
Lorsque je contacte l’Ambassade de France à New Delhi pour leur demander des explications, ils me répondent qu’ils ne peuvent rien faire pour moi ; il fallait que je demande à changer de circonscription avant décembre. Comment demander à changer alors que pour moi, j’étais toujours inscrite à Nantes ! C’est tout de même un comble, non seulement le MAE ne prolonge pas mon contrat mais il me prive de mon droit de vote !
J’ai trouvé quelques réponses grâce à l’enquête du Nouvel Obs. ; « pour cette élection présidentielle, le ministère aurait commis une erreur, en transmettant le fichier de l’ensemble des Français résidant à l’étranger à la place du fichier des seuls inscrits pour voter à l’étranger. Soit un nombre beaucoup plus important de personnes.»
Je suis rassurée cependant de voir que vous, vous êtes nombreux, très nombreux à vous être mobilisés.

En parallèle se déroulaient hier au Bhoutan les premières élections législatives. Elections fictives pour s’assurer que celles de 2008 se dérouleront sans encombre. Les Bhoutanais avait le choix entre 4 partis fictifs:

  • les jaunes, défenseurs de la culture et des traditions bhoutanaises,
  • les bleus axant leur programme sur la lutte contre la corruption et le respect des libertés individuelles,
  • les verts dont la ligne directrice est la protection de l’environnement
  • les rouges considérant le développement économique et industriel du pays comme prioritaire.

Malgré les nombreux chefs de famille qui pensaient devoir voter pour toute leur famille, le taux de participation a tout de même été supérieur à 60%. Les jaunes ont gagné haut la main mais c’est toute la Nation qui a fait un grand pas vers la démocratie.

Dégel
22 avril 2007
Ça y est, l’hiver est fini ! Vive l’été, saison des légumes et des fruits : asperges, tomates et salades ont de nouveau fait leur apparition ; ananas et pastèques aussi ; bientôt suivront les mangues plus juteuses que jamais. Le règne du choux et de la pomme de terre est en train de prendre fin ! Enfin ! Je sais qu’en France je me plains des fruits et légumes qui ont perdu toute notion des saisons : tomates sans goût de décembre, fraise de Mars… Mais je dois bien avouer que 5 mois d’hiver sans fruits ni légumes frais, c’est dur. Surtout que je n’ai pas appris, contrairement à ma grand-mère qui, elle, vit vraiment au fil des saisons, à faire des bocaux pour prolonger la vie de ces riches cultures de soleil. Alors pour survivre je me suis retrouvée contrainte d’acheter des pommes importées de Nouvelle Zélande qui arrivaient sur le marché bhoutanais à près de 4 € le kilo! L’orange de Noël n’était pas loin.
Enfin voilà je vais maintenant pouvoir me régaler. Pour quelques semaines car, bien évidemment, il ne faut pas espérer emporter ces produits plein d’eau à plus de 4000 m d’altitude. Pour moi la monotonie du régime riz - pomme de terre risque donc de se prolonger…

Chiens
19 avril 2007
Je profite d’un désagrément qui m’est arrivé ce matin pour vous initier à un fait culturel de la capitale bhoutanaise. Thimphu est une ville à chiens. Ils font ici partie du paysage. Non pas que les bhoutanais récemment devenus citadins se soient entichés d’animaux de compagnie comme leurs homologues occidentaux mais parce que, comme les rats ou les pigeons, ces commensaux de l’homme le suivent partout où il va ; se concentrent là où s’accumulent ses déchets ; dans les villes.
Le Bhoutan est par ailleurs un pays où le Bouddhisme domine ; le « respect » de la vie aussi. Tout bhoutanais qui se respecte s’assure donc que les restes de son repas finissent dans le ventre d’un chien. Il se garde bien aussi de réguler sa vie sexuelle. Jusqu’à il y a une petite dizaine d’années, la castration des animaux était taboue, elle reste aujourd’hui pratiquée de façon marginale ou du moins très désorganisée. Je ne vous fais pas de dessin ; à raison de deux portées de trois à six chiots par an, et même si le taux de mortalité est élevé, la population canine de la capitale croit au moins aussi rapidement que sa population humaine. Il y aurait à Thimphu 6000 chiens, soit un chien de rue pour 10 habitants… Presque un chien par foyer…
Sauf que ceux là, ils arpentent les rues. Ils survivent en bandes ou solitaires, plus ou moins effrayés par l’homme, plus ou moins grégaires. Imperceptibles le jour, ils font la loi du crépuscule à l’aube. Tout nouvel arrivant à Thimphu sera confronté à une à deux semaines d’insomnies tant leurs hurlements à la mort sont crispants. Ils se battent aussi, pour marquer leur territoire, pour grappiller un peu plus de reste ou se repaître d’un plus faible…
Le bhoutanais moyen, tant qu’il ne subit pas de violence familial et qu’il ne requière pas de chiens comme exutoire, respecte la vie de ces quadrupèdes. Il la respecte mais ne ferait rien pour l’améliorer. La majorité de ces animaux sont dans un état pathétique, faméliques ou dévorés par la teigne, marchant sur trois pattes, plaies ouvertes et purulentes… Est-ce le détachement prôné par le bouddhisme qui permet au bhoutanais d’accepter ce triste spectacle?
Ces chiens vivent un calvaire mais ils sont aussi dangereux pour l’homme. Du fait de leurs attaques, un enfant en bas âge ne peut se promener seul, nombre de joggers se sont laissés décourager… Après m’être faite déchirer le mollet et le pantalon ce matin, je continue d’envisager le footing mais j’avoue que je me munirai un peu plus souvent de pierres ou de bâtons… En plus, ces chiens, ils sont potentiellement porteurs de la rage.
Heureusement, je m’étais faite vacciner avant de partir. Je n’avais donc besoin que d’un deuxième booster que je suis parvenue à obtenir rapidement grâce à Marianne, notre véto protectrice des chiens qui tend à devenir mon médecin personnel ces derniers temps.

Wednesday, April 11, 2007

Collaboration délicate
11 avril 2007
Les raisons de l’envoi d’expatriés dans un pays en voie de développement sont multiples : expertise, aide à la décision mais aussi développement des ressources humaines. L’idée est de bosser en étroite collaboration avec un partenaire local de façon à le former et à développer son autonomie vis-à-vis des activités initiées.
Lorsque je travaillais au National Livestock Breeding Programme, il n’y avait personne avec un niveau technique et une capacité d’initiative suffisants pour collaborer à la conception du projet. Après avoir aidé les techniciens du NLBP à expliciter leurs attentes, il a donc fallu que je développe des procédures très simples pour l’identification et l’enregistrement des performances bovines de façon à ce qu’ils puissent être autonomes vis à vis de l’utilisation du système d’information bovin. Le retour, après son master, de notre coq français m’a finalement permis de lui passer le relais sur le volet développement. Si bien que le programme d’élevage bovin devrait maintenant pouvoir voler de ses propres ailes.
Cette année, je ne sais si je parviendrai à quelque chose sur le plan de la formation. La rareté du personnel qualifié ou tout simplement motivé se fait encore sentir… Je suis sensée travailler avec TN du département d’élevage. Or, ce dernier a un sens particulier de la collaboration… La seule chose à laquelle il daigne consacrer du temps, c’est le budget.
Il souhaite en effet faire des économies sur la phase de terrain, pour pouvoir s’acheter un ordinateur portable… Pas besoin de rencontrer les éleveurs de yak. Ils sont trop isolés. De 2 à 6 jours de marche de la route la plus proche, vous imaginez ! Autant demander au technicien d’élevage du coin d’aller collecter les données pour nous. Seulement voilà, il y a une différence entre collecter des données et engager un discussion avec un éleveur, poser des questions ouvertes qui lui permettent de s’exprimer, de décrire ses pratiques, sa stratégie économique, ses contraintes. L’attitude de l’enquêteur et la manière de formaliser les questions sont essentielles… Essentielles pour établir une relation de confiance et s’assurer de la qualité de l’information recueillie mais aussi, pour aider les acteurs concernés à résoudre, en les rendant intelligibles, les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ce travail d’enquête éclaire la rationalité des pratiques, conduit à une compréhension fine des systèmes de production dans leur fonctionnement technique mais aussi de leurs performances socio-économiques. Permettant de modéliser et d’anticiper l’évolution des systèmes face à un changement de contexte politico-économique, le travail de terrain est nécessaire à la formulation de projets de développement adaptés.
Plus largement, mon ami TN ne souhaite pas s’impliquer dans le travail d’analyse filière car je suis là pour le faire. Si nous, expats, sommes là, ce n’est pas parce notre regard extérieur, nos savoir-faire et connaissances sont requis mais parce que le temps manque. Il est vrai que les quelques personnes du département ayant fait des études supérieures se voient confier des tâches administratives qui ne leur laissent guère de temps pour leur travail technique. Que nous soyons là pour les aider à gagner du temps est un fait ; pour tout faire, non. Sinon, où réside l’apprentissage, l’échange de savoir ? Cette semaine nous étions de séminaire. Mon très cher TN, non content d’arriver en retard tous les jours et de se perdre dans les couloirs à chaque pause thé, n’a pas daigné mettre la main à la pâte. Préparer des questionnaires est une tâche indigne d’un Fonctionnaire de la Capitale… Le summum a été atteint dans la phase de travail en groupe restreint. Il s’est battu avec les autres groupes pour obtenir la date de son choix, l’a obtenue mais, n’a pas travaillé avec nous de la journée !
Il parait que le cinquième roi veut faire de la lutte contre la complaisance envers la médiocrité une des priorités du gouvernement pour les 15 ans à venir. A suivre.
Argent
1 avril 2007
Sangay est une amie du taekwondo. Amie au sens où nous nous connaissons relativement bien vu que je l’ai rencontrée une semaine à peine après mon arrivée au Bhoutan et que, lorsque je suis sur Thimphu, nous nous entraînons ensemble 2-3 fois par semaine. Bien que du même âge, nous avons des vies bien différentes. Membre de l’équipe nationale de taekwondo pendant 5 ans, elle a gagné plusieurs médailles et visité de nombreux pays. Maintenant, elle se retrouve sans emploi avec pour tout bagage son bac littéraire. N’ayant pas eu de notes suffisamment élevées pour obtenir une bourse pour la seule université bhoutanaise, Sherubse collège dans l’est du pays, et n’ayant pas les moyens d’aller étudier en Inde, elle végète à la recherche d’un boulot sur Thimphu. Elle passe beaucoup de temps devant la télé ou à préparer les repas de son homme. L’entraînement est donc, pour elle comme pour moi, une soupape. Elle refuse d’ailleurs que je l’aide financièrement pour tous les conseils techniques qu’elle me donne. Elle me ramène même du riz rouge de son village.
Cependant, hier, elle m’a contactée car son frère qui va rentrer au Monastère de Tango, école supérieure d’études monastiques la plus réputée du Bhoutan, a besoin d’argent pour faire ses achats de rentrée à Phuentsholing (ville frontalière avec l’Inde, hub commercial du sud du pays). Elle m’a contacté la veille du jour J pour me demander 5000 Nu, un peu moins de 100 euros, que son frère me redonnerait d’ici un mois. D’une, je n’avais pas cette somme en poche (le Bhoutan est dépourvu de distributeur et les banques sont fermées le week-end), de deux je ne savais pas si je devais la donner. Donner de l’argent quand tu es blanc et donc considéré comme riche c’est prendre le risque de ne jamais le revoir, et surtout de s’enfermer dans une sale relation marchande avec ses ‘amis’ bhoutanais. Ne pas aider ses amis dans le besoin n’est tout de même pas glorieux. Je lui ai donc remis la moitié de la somme, sans espérer la revoir. Si l’argent ne revient pas se sera la dernière fois, sinon notre relation de confiance aura gagné une dimension supplémentaire… et je ferais volontiers don de la moitié de cette somme.
Retour
30 mars 2007
Alors, que fais-je de nouveau dans ce pays ? A part me faire apporter de la soupe au lit par des collègues attentionnés !
Je suis de retour au Bhoutan pour 7 mois. Comme le gouvernement français ne pouvait se permettre de me financer pour finir le travail engagé sur le développement du secteur laitier bhoutanais, j’ai dû trouver un autre bailleur. La FAO, organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation a donc accepté de financer ce petit projet. L’objectif est de valoriser l’analyse des filières laitières bhoutanaises conduite l’année dernière par une aide à la décision à destination du Ministère (mesures politiques) et des autres bailleurs - à gros budget ceux là (mise en œuvre de projets). L’idée est en effet de permettre aux éleveurs de bénéficier de l’opportunité que représente la croissance de la population urbaine et de la demande solvable en produits laitiers qu’elle génère.
Le travail n’est pas mince. Le Bhoutan est un pays de montagne peu densément peuplé ce qui occasionne des coûts de transport et de transaction élevés et rend difficile l’obtention d’une masse critique de produits. En outre, fermé au reste du monde jusque dans les années 60, le pays n’a commencé à moderniser son agriculture que très récemment ; production laitière et transformation restent manuelles, caractérisées par une faible productivité du travail ; ce qui ne favorise pas la compétition avec les importations indiennes. L’Inde, pays densément peuplé (large bassin de production mais aussi de consommation ce qui permet de rentabiliser des investissements lourds et de faire des économies d’échelle) avec d’abondants résidus de culture pour nourrir le bétail a entrepris, depuis son indépendance, une véritable révolution blanche qui lui a permis de se hisser au rang de premier producteur mondial. L’Inde commence même à exporter les produits de son industrie laitière dans les pays voisins. Le Bhoutan lié par un accord de libre échange avec l’Inde (ce qui signifie que les produits indiens peuvent entrer au Bhoutan sans droits de douane, sans être taxés) en est destinataire. Le principal marché de consommation qu’est Thimphu se retrouve donc dans une situation paradoxale où malgré une préférence gustative pour les produits locaux, la part des importations de produits indiens industriels, standardisés et bon marché croit de façon exponentielle. A nous d’aider les éleveurs à s’organiser pour accroître la disponibilité de leurs produits et leur consistance de façon à conserver ce marché local.
Cette année, je vais aussi travailler avec les éleveurs de yak dont les systèmes de production sont encore plus fragilisés par l’ouverture du pays aux échanges mondialisés. Nomades, se déplaçant avec leurs troupeaux sur les terres alpines à plus de 3500 mètres d’altitude, à plusieurs jours de marche de la route la plus proche, pratiquant le troc de leurs produits animaux contre des céréales pour compléter leur ration alimentaire, ils vivent à mille lieues du Bhoutan moderne que représente la capitale. Pour combien de temps ?

Amibe
22 mars 2007
Voilà le nom de ce charmant protozoaire qui me pollue la vie depuis dimanche.
De taille variant entre 20 µm et 1 mm de longueur (mais plus généralement entre 200 µm et 500 µm), vivant en eaux douces ou salées, capable de se déplacer par de multiples déformations du cytosquelette appelés pseudopodes, elle peut aussi s’équiper de flagelles pour assurer sa mobilité.

La mienne, c’est à priori Entamoeba histolytica responsable de dysenterie amibienne dans les milieux tropicaux. Je dis bien à priori car les hôpitaux étant ce qu’ils sont ici je me porte mieux sans. Mais comme il n’y a pas non plus de médecin en dehors et bien je me suis référée à une vétérinaire française en escale ici depuis 7 ans qui a fait vœu d’améliorer les conditions de vie de nos amis quadrupèdes. Comme elle est généreuse et qu’elle ne déteste pas complètement les hommes, elle m’a aidé à diagnostiquer ce mal qui me cloue au lit depuis 4 jours. Les chats et les humains, du pareil au même. Fièvre et diarrhée fulgurante, le tout auréolé de hauts le cœur pimentés aux œufs pourris, je ne vous raconte pas le désastre. Normal entamoeba vous lyse les cellules de la paroi de l’intestin…

Vous le comprendrez aisément, je suis au mieux de ma forme, plus sexy que jamais. Au moins maintenant je sais ce que j’ai et je vais pouvoir me soigner au lieu de continuer à me vider. Ces parasites ont ceci de fascinant qu’ils vous privent de toute énergie et de toute envie. Je n’ai même plus soif. Imaginez moi qui boit comme un trou d’habitude (Je parle d’eau bien sûr…). Mais ne vous inquiétez pas, je me force…

Quand à savoir où j’ai choppé cela ? Allez savoir ! Les amibes peuvent rester jusqu’à 6 ans chez leur hôte (moi dans le cas décrit ici) avant de se manifester… Au Cameroun, en Inde, en Thaïlande, au Bhoutan lors de mes terrains ou à la faveur d’un verre mal lavé. A force de n’avoir rien eu jusque là j’avais presque cru que le Bhoutan c’était aussi sûr qu’à la maison.

Enfin rien de grave, on se soigne et cela repart.
Juste pour vous / me rappeler que, travailler à l’étranger ne présente pas que des attraits…

Toucher terre
15 mars 2007
Enfin me voilà un peu posée.
Non pas que votre compagnie en France ne fut pas plaisante mais il me tardait de savoir de quoi mon futur serait fait. Cette incertitude fut désagréable sur bien des points. Tout d’abord elle ne m’a pas permis de prendre de vacances ; pas de repos, ni de visite vivifiante en Province. Pardon à ceux à qui je n’ai pu encore rendre visite cette fois-ci. Ensuite ce temps sans amarre entre deux projets m’a conduit à me poser beaucoup de questions sur ce que je voulais faire de ma vie. Ce qui avait un sens au Bhoutan n’en avait plus forcément sur le pavé parisien. Faire une thèse ; ah vraiment ! Mais pourquoi ? Comment vas tu vivre pendant ce temps là ? Contrairement à la tradition anglo-saxonne, en France, il est de bon ton d’avoir fini ses études avant la trentaine ; quelques années de plus et, de toute façon, vous ne serez plus bonne à l’emploi. Nébuleuse du doute encore car le lien entre mon vécu bhoutanais et la vie en France est bien ténu. Est ce que mes acquis du toit du monde ont un sens dans notre hexagone ? Cet intermède français m’a au moins confirmé la nécessité de préparer mon retour. J’ai 7 mois pour le faire.
Le retour vers ces terres perchées ne fut pas non plus de tout repos. J’avais pris un vol via Delhi pour faire des économies; et ce, même s’il n’y a de vols Delhi – Paro que 3 fois par semaine. L’aéroport de Delhi est tellement désagréable que j’ai accentué le risque en prenant une correspondance de 2h30 seulement.Ces risques, je n’en ai vraiment pris conscience qu’à l’aéroport. British Airways a failli refuser de me prendre à son bord. J’allais à Delhi mais je n’avais en effet pas de visa indien. J’avais bien mon visa bhoutanais mais comme personne ne connaît le Bhoutan… Je me voyais déjà avoir à faire demi tour et à engager de nouvelles dépenses pour mon départ. Ils ont fini par me laisser passer à condition que je signe un formulaire les déchargeant de toute responsabilité. Je suis monté à bord, un soupçon d’angoisse dans le coin de la gorge. Comment allais-je bien pouvoir faire pour éditer mon billet Delhi- Paro sans sortir de la zone neutre de l’aéroport? Ces abrutis m’ont d’autant plus fait peur que je sais que les indiens ne rigolent pas avec ce genre de chose. Une sombre image de forces de l’ordre et de prison commençait à poindre dans un coin de ma tête.
Pour le vol suivant, Londres - Delhi, personne ne m’a demandé quoi que ce soit et je me suis peu à peu rassérénée. En outre nous avons embarqué à l’heure, tout se présentait donc plutôt bien. Dans le pire des cas, je pourrais demander à ce couple de français de faire éditer le billet pour moi. L’avion se fraye un chemin vers la piste de décollage. Casque sur les oreilles je me prépare à apprécier ce temps suspendu. Mais voilà, au lieu de prendre de la vitesse, l’avion ralentit peu à peu et finit par s’immobiliser. Après une demi-heure à nous demander ce qu’il s’était passé, nous apprenons que quelqu’un à bord s’est senti mal et devait donc être ramené à terre. Cela ne devrait pas prendre trop de temps, nous susurrent les hôtesses de l’air. Sauf, qu’elles n’avaient pas calculé le temps de recherche et de déchargement des bagages. Trois heures plus tard, nous étions toujours à Londres et je commençais sérieusement à me demander si je ne devais pas demander, moi aussi, à sortir de l’avion. Si je rate ma correspondance, ce n’est pas un mauvais quart d’heure que je vais passer à Delhi ! Le prochain vol est dans 3 jours et je n’ai pas de visa indien!
Le steewart tente de me calmer avec un verre d’eau. Rien n’y fait. Il se met en quête du commandant de bord. Notre itinéraire a été raccourci de 30 minutes et l’avion parvient toujours à rattraper du temps en vol.
Voilà qui est sensé m’apaiser. Je leur fais cependant remarquer que leurs calculs restent plus que justes. Ne pouvant prendre le risque d’accroître leur retard en me sortant de l’avion, ils m’affirment qu’ils feront le nécessaire à Delhi. Je n’ai d’autre option que d’accepter ; en espérant que maintenant, en cas de problème, la faute et, donc la couverture financière des frais, leur reviendra. Je me force à me reposer dans le noir avec de la musique. Il ne faut pas que je sois complètement hystérique demain pour négocier avec les douanes.
Au final, nous avons rattrapé près d’une demi heure en vol si bien que j’ai eu le temps de courir prendre l’autre avion. L’avantage, c’est que du coup, c’est le personnel de BA qui s’est chargé d’aller éditer mon billet ; l’inconvénient, c’est que mes bagages n’ont pas eu le temps de prendre leur envol. 4 jours à jongler sans rechange ni trousse de toilette, c’est sympa ! Sans compter l’incertitude quant à l’arrivée du reste…
Que je vous rassure, tout a fini par rentrer dans l’ordre. Ou presque. D’autres aventures m’attendent maintenant; obtenir un bureau, récupérer des sous, faire marcher la machine à laver…

Thursday, February 08, 2007

Entre enfer et paradis
1 février 2007
Hier soir, c’était ma soirée d’au revoir du NLBP. J’étais si heureuse que tant de personnes viennent pour moi, tournent la salle de réunion en salle de fête. Même mes collègues de Thimphu étaient présents. Lorsque Dr Lham Tshering a fait son discours, me remerciant pour le travail fourni et précisant bien qu’il espérait me revoir rapidement, qu’il ne me poussait pas hors du bureau au contraire. Je mesurais ma chance, toutes ces portes qu’ils m’avaient ouvertes, la force des relations malgré le nombre limité de mots échangés. Je me rassurais en me disant que je revenais…
Après le dîner, nous avons ouvert le bal. Mélange de danse traditionnelle et disco. Nous étions tous en gho et kira. Allez vous trémousser là dedans ! Nous l’avons fait ; en cercle, en couple ou en solo, éclatant de rire à chaque faux pas. Tout le monde a participé. Je leur étais si reconnaissante de m’offrir de passer un si beau moment. Raisonnaient encore dans ma tête les mots d’une autre expatriée qui, lorsqu’elle avait proposé de payer pour les boissons de son dîner de départ, s’est gentiment vue expliqué qu’elle devait tout couvrir. Payer pour son propre repas d’adieu ! « C’est si gentil à vous d’avoir organisé tout cela pour moi… »
De mon côté, j’ai passé hier soir une des soirées les plus délirantes de ces deux dernières années… et pas d’addition en vue. J’étais heureuse.
Cependant, alors que le degré d’alcoolémie de mes collègues hommes (la majorité) montait, j’estimais qu’il était temps de permettre à mes collègues femmes ou plutôt filles de rentrer…
Il était minuit.
J’ai soulevé un tollé.
Apparemment, cela ne se faisait pas dans la culture bhoutanaise de mettre fin à une fête avant minuit. Pour avoir expérimenté ce genre de pression dans d’autres pays, je sais que l’offense générée par une incompréhension culturelle est parfois manipulée pour servir d’autres fins… Je souhaitais toutefois assurer mes collègues de ma profonde reconnaissance. Je suis donc allée parler à Dr T. le chef de la section production du département d’élevage, le seul à avoir un PhD, le magnat local de l’élevage. Il m’a littéralement gueulé dessus. Ingrate que j’étais, il avait lui même trouvé les fonds pour organiser cette soirée, il faisait tout son possible pour que je puisse revenir travailler au Bhoutan et, je ne faisais même pas l’effort de profiter de cette soirée…
Il s’est assis dans un coin, buvant et fumant pendant que mes collègues et moi même poursuivions nos mouvements, devenus désarticulés maintenant que l’âme de la soirée s’était envolée. Nous dansions dans l’espoir de calmer le courroux du chef. ¾ d’heure plus tard, il ne desserrait toujours pas les dents. Mes collègues se sont relayés pour essayer de le décrisper. En vain. Ne voulant pas gâcher cette soirée, je suis donc retournée le voir. Accepterait-il cette danse pour clore la soirée en beauté ? Il a dit oui.
Las de bouder, il avait probablement décidé de changer de tactique. Il a donc entamé une danse, étrangement rapprochée, entremêlée d’étreintes à l’anglaise pour me dire combien il était désolé de s’être emporté comme cela. Il est sous pression avec le boulot et puis, cela ne se fait pas de vouloir refuser cette soirée!…
Ce qu’il pensait réellement, c’est que cela ne se faisait pas de refuser ses avances. Qui ne voudrait pas coucher avec lui ? N’était-il pas intelligent, séduisant ? N’étais-je pas de nouveau célibataire ?
La soirée s’est encore prolongée de plus d’une heure pendant laquelle je me suis débattue pour me frayer un chemin jusqu’à la voiture, repoussant ces mains et lèvres qui cherchaient chaque occasion de se frayer un chemin. Mes collègues jeunes et filles étaient parvenus à s’éclipser peu après 1heure. J’étais la seule femme, dans une assemblée de 15 hommes ronds comme des porcs, préférant probablement mourir que d’oser élever la voix contre leur chef. Ils ont dû rester jusqu’à 4 heures du matin pour l’accompagner dans sa beuverie. Vive le respect de l’autorité !
Est ce que je souhaite vraiment épaissir mon CV dans ce contexte ?

Anecdote cybernétique
30 janvier 2007
Depuis que je suis rentrée de vacances ma connexion Internet est récalcitrante. Elle marche pendant deux heures puis plus rien pendant deux jours.
Dans cette période d’incertitude, chaque email peut décider de quoi demain sera fait. Vous imaginez donc bien que ce manque de fiabilité me tape sur les nerfs.
Cela fait plus de 15 jours que j’appelle régulière la compagnie Druk com, en charge du bon fonctionnement de la connexion. En vain ! Ils disent qu’ils viennent mais ne viennent pas, qu’ils me rappellent mais ne me rappellent pas… Bref, ils me font poireauter. Vive le service après vente à la bhoutanaise !
J’ai eu quelques éléments de réponse il y a deux jours. On m’a enfin avoué que si personne ne venait réparer, c’était parce que la personne en charge était en congé dans le sud du pays. La rareté du personnel compétent est aussi une caractéristique de cette jeune nation…
Hier soir, à bout de nerf, je suis descendue dans l’Internet café le plus proche. Comme d’habitude au Bhoutan lorsque vous rencontrez quelqu’un de neuf, on me demande d’où je viens et si je suis touriste.
« -Non, je travaille ici.
- Mais vous n’avez pas accès à Internet chez vous ?
- Si, mais cela fait deux semaines que la connexion est déplorable, personne n’y fait quoi que ce soit, j’ai des emails urgents à envoyer, alors me voilà.
- Mais chez qui vous êtes pour l’accès Internet ?
- Druk com
- oh ! »
Il se trouve que le gars qui tenait l’Internet café était le mystérieux absent de Druk com. Il est finalement venu ce matin et, tout est rentré dans l’ordre.
Tout vient à point à qui sait attendre. (J’espère que cela marche aussi pour le boulot…)

Friday, January 26, 2007

Quelques pas vers le Nord
24 janvier 2007
Le lendemain de cette nuit épique, pas découragée par les transports en commun, je suis repartie en bus vers l’arrêt de bus ; direction le nord, cette fois. Ayuthaya, ancienne capitale du royaume de Siam, qui garde de son passé prestigieux de multiples temples. Moins de deux euros et 2 heures de transport plus tard, je me suis retrouvée dans ce qui est devenu une petite ville de province. Une ville entourée de rivières que l’on peut parcourir à vélo. Un bon choix à priori. Mais avant les réjouissances, il me faut trouver un endroit où dormir. Les auberges conseillées par le Lonely planet sont pleines ; il va me falloir improviser. Je laisse mon sac à deux filles qui finissent leur déjeuner et je frappe aux portes. Entre le moins cher, peu reluisant et le propre sûr, je m’offre la tranquillité. Je voyage seule après tout.
Les deux filles, une australienne, l’autre américaine se révèlent être comme moi, en transit. Pas « lost in translation » mais presque. Rupture amoureuse, recherche de changement professionnel et même de cadre de vie, nous avons tout de suite beaucoup de chose à nous raconter.
Après le café nous enfourchons nos bicyclettes à la découverte d’un monastère où vit une importante communauté de nonnes. Contrairement au Bhoutan où tous les moines sont vêtus de rouges ici le orange domine. Les nonnes qui ont eu ici besoin de se battre pour faire reconnaître leur droit à mener une vie contemplative sont vêtues de blanc. En Thaïlande, comme dans la majorité des pays d’Asie du sud est, on pratique le Bouddhisme du petit véhicule ou theravâda ; on suit la doctrine des ancêtres. Ce monastère bercé par le soleil couchant est magnifique, immense et apaisant. Carol nous raconte que 20 ans plus tôt elle a vécu pendant deux ans dans un monastère du nord du pays. Elle s’est rasée la tête, a pratiqué la méditation, a partagé son quotidien avec des nonnes qui ne parlaient pas l’anglais. Moment de solitude et de reconstruction de soi ; elle est rentrée au pays en ayant appris à s’aimer et à masser. Après un divorce, elle est revenue fermer la boucle et trouver la direction de son nouveau départ.
Le lendemain est tout aussi agréable, nous parcourons la ville à vélo, visitons les différents temples, lisons à l’ombre des Chedis ou stupa… Pique-nique au bord du lac, rencontre avec une famille de Bangkok en week-end. Nous parlons de la vie et du Bhoutan. Les thaïlandais sont en effet fan de la famille royale bhoutanaise, le nouveau Roi fait ici figure de rock star. Cette charmante famille m’offre à boire et me donne ses coordonnées. Ne surtout pas hésiter en cas de problème.
Dans ce dédale de temples, je croise même un autre français, lui aussi en partance. Ce pays est définitivement un endroit idéal pour guérir. Nous finissons cette journée à quatre en parlant de l’avenir.



Aléas du voyage
23 janvier 2007
Je ne pouvais tout de même pas rester dans cet endroit hors du temps pour toute la durée de mon séjour. Il me fallait découvrir un peu plus de ce pays que ces plages peuplées de blancs, aussi charmants fussent-ils. J’ai donc repris le bus. Moins chanceuse cette fois. Je me retrouve assise à côté d’un gars bizarre, parlant un anglais caverneux et désireux d’apprendre le français. Je dirais plutôt désireux de s’attirer les faveurs d’une française. Un gars dont il fallait que je parvienne à me débarrasser à la sortie du bus. Ce putain de bus qui justement avait choisi d’avancer à la vitesse de la lumière, de ne pas s’arrêter pour nous dégueuler tout déboussolés sur le pavé de Bangkok à 3 heures du matin. Autant dire que je n’étais pas très fière avec ce gars qui ne me lâchait pas, sans savoir où aller, au milieu de la nuit. J’ai repéré un couple qui avait l’air plutôt sympa et je me suis rapprochée d’eux. Que comptaient-ils faire pour le reste de la nuit ? Est ce qu’ils connaissaient cet endroit ? Il se trouvait que nous étions près de Bamgpalu, le quartier des touristes, peuplés d’auberges. Nous nous sommes donc mis en quête d’un lit. Pas facile au milieu de la nuit. Les hôteliers ne feraient même pas l’effort de baisser les prix à la faveur de l’heure tardive. Le touriste est un bon pigeon, surtout au milieu de la nuit. Nous errons pendant près d’une heure, se faisant accueillir par des « c’est complet » ou « seule la suite de luxe est libre ». Encore un ou est ce que l’on abandonne ? A chaque tournant, je craignais de me retrouver nez à nez avec mon pot de colle. Non, je veux pouvoir fermer une porte derrière moi et puis demain, un autre trajet en bus m’attend, j’ai besoin d’être alerte. Allez please, on continue.Nous trouvons finalement une chambre double à un prix raisonnable dans une auberge excentrée. Nous partageons la chambre, un lit chacun. Bientôt les doux bras de Morphée nous enserrent. Un autre happy end.

Thaïlande Sud
19 janvier 2007
Il me restait 3 semaines de vacances. Terminer mon contrat plus tôt ou les prendre sur place ? Terminer plus tôt, ne me permettait de tout façon pas d’être de retour pour les fêtes. Alors j’ai décidé de rester. Rester augmentait en outre mes chances d’obtenir un nouveau contrat au Bhoutan. Mais rester dans le froid de Thimphu, dans un appartement devenu trop grand pour moi ; ce n’était pas très engageant.
A la faveur de la journée des neuf démons les billets d’avion pour sortir du Bhoutan n’étaient plus aussi inabordables. Je me suis donc offert un AR pour Bangkok. Il ne s’agissait bien que d’un aller et retour car je n’avais rien de programmé. Mon sac à dos et moi sommes arrivés au nouvel aéroport international, immense bâtiment de verre et d’acier, sans aucune réservation. Je pensais passer ma première nuit à Bangkok de façon à me donner le temps de m’organiser. La transition des hauteurs silencieuses à la folie de cette métropole du futur s’est toutefois révélée moins séduisante que prévue. Il était encore tôt. J’ai donc tenté le tout pour le tout, gagné la station de bus qui dessert le sud du pays. Tout s’est passé sans problème. Je suis arrivée à 16h30 heure locale et le seul bus qui n’était pas complet partait à 5 heures. 450 Bhat soit moins de 10 € pour gagner les plages du Sud du pays, pas mal ! Une seule autre expat dans le bus. Nous faisons connaissance au prochain arrêt toilette. Susanna est finlandaise et, comme par miracle, elle se rend également à Raley pour faire de l’escalade. Non seulement elle a l’air sympa, cherche aussi quelqu’un avec qui grimper mais elle a une corde et une réservation pour un bungalow. Si ce n’est pas de la chance !
Nous arrivons à Krabi à 6 heures du matin, nous nous offrons un petit déjeuner de reines sur une terrasse en bord de mer. Ensuite nous prenons une pirogue pour gagner nos plages reculées.
Reculées pas tant que cela ! C’est la pleine saison touristique et tous les bungalows sont pleins ! Je n’ai pas vu autant de blancs depuis mon passage en France en septembre. J’étouffe un peu, je me demande comment je vais faire pour tenir sur cette presqu’île surpeuplée. Les plages sont tellement petites que l’on ne peut même pas courir tranquille. Une journée de désoeuvrement, désenchantement encore accentué par la nuit sans sommeil dans le bus. Vais-je pouvoir rester ici 8 jours alors que j’ai besoin de silence pour faire le point sur ma vie ?
La réponse arrivera le lendemain, avec les cordes. Les cordes, l’escalade, l’envie de grimper sans m’arrêter. Susanna ouvre les voies que je fais ensuite en second. J’avais peur de ne pas pouvoir décoller car mes entraînements furent plus que succincts cette année et au Bhoutan nous ne disposons que 5 voies… Mais non, mon arrière train finit par s’élever dans les airs et me voilà au sommet. La vue d’en haut, les falaises plongeant dans une mer turquoise… Avec l’escalade, tous ces gens qui étaient oppressants la veille deviennent de potentiels amis avec lesquels nous partageons un plaisir, l’ascension entre mer et ciel à la force de nos bras et jambes. Nous nous installons dans une semaine de bonheur : lever tôt, petit déjeuner chez Wee’s, grimpe jusqu’à midi, déjeuner à l’ombre, retour à l’escalade dans l’après midi, apéro et dîner sur la plage. Soleil, chaleur, sport, rencontres… Des complicités se créent, l’espoir renaît. Le temps passe si vite que j’en oublie la course à pied. J’ai même du mal à trouver le temps de me baigner. Il faut dire qu’il fait nuit tôt.
La nuit du 31 sera douce et pleine. Notre petit groupe s’est retrouvé sur la plage ; allongés, la tête dans les étoiles, nous sirotons un cocktail. Feux d’artifice, jonglage avec des objets en feux, torches dirigeables s’envolant en vacillant dans le ciel. Nos vies qui se créent pas à pas.

Bonne Année 2007
19 janvier 2007
Bonjour à tous et meilleurs vœux pour l’année 2007. Que l’année du cochon vous apporte plein de satisfactions tant personnelles que professionnelles et aussi quelques agréables surprises.
J’expérimente la roue libre depuis décembre dernier et ce n’est pas si mal ! Ne pas savoir de quoi le lendemain sera fait a ses charmes. Etre ouvert aux rencontres, saisir les opportunités qui se présentent !
Bien sur ce n’est envisageable que pour les êtres solitaires sans personne à charge. La surprise, le regard neuf porté sur son environnement, ses amis, sa famille, sortir la tête de la routine est toutefois revitalisant même sans prendre le risque de tout lâcher.
Depuis décembre, j’ai abandonné une vie de couple qui n’était plus satisfaisante. Comme j’ai des envies professionnelles relativement précises pour les années à venir, je n’ai pas non plus pris tout ce qui me tombait sous la main. Si bien qu’aujourd’hui 19 janvier, je ne sais toujours pas de quoi février et plus largement le reste de l’année 2007 sera fait. J’ai des jambes, des bras, une tête et je dois me faire confiance pour m’en sortir avec cela. Apprendre à se faire confiance est un très bon exercice.
J’ai fait le choix de tenter le tout pour le tout et d’optimiser mes chances de rester au Bhoutan pour poursuivre mon travail de développement des filières laitières. Avec un peu de chance j’aurais signer mon contrat et obtenu mon visa avant de quitter temporairement mes montagnes.
Comme l’Ambassade de France me paie mon billet de retour, j’en profite en effet pour rentrer au moins pendant un mois en février. Rentrer et profiter de la famille et des amis tout en prospectant pour le futur, une thèse notamment.
Voilà les quelques jalons sur lesquels je vais construire mon année 2007. J’espère que les vôtres seront également à la hauteur de vos espérances.
Pour citer George Sand « Les déceptions ne tuent pas et les espérances font vivre ».