Thursday, September 06, 2007

Petit bijou d’hôtel
6 septembre 2007
Un hôtel datant des années 50, charme désuet mais confort moderne.Le dernier hôtel d’une rue bordée de palaces, avec pour voisine une église presbytérienne…Loin du faste des grandes chaînes comme le Hyaat, le Marriot ou le Magestic, on vous accueille ici simplement. Dès votre entrée dans le hall jazzy, le personnel souriant et amical vous offre un jus de fruits fraîchement pressés. Réel cadeau de bienvenue de la part de cet hôtel au rapport qualité prix imbattable. Après des jours de prison high-tech, je reçois ces chaleureuses attentions avec bonheur.
Petite chambre avec grande baie vitrée et balcon, lit double, bureau coiffeuse et son grand miroir doré, salle de bain ramassée mais proprette. Le tout dégage une atmosphère cosy. J’ai tout de suite eu envie de déballer mes affaires ; cette chambre sera mienne jusqu’à la fin de la semaine ! Après une petite virée dans le quartier où tous les commerces sont accessibles à pied, je dépose une fleur sur la table de chevet, prends une douche, m’étends sur le lit ; je commence enfin à respirer. Me voilant enfin dans un environnement humain, aux aspérités attachantes, loin de l’impeccable froideur du Samitivej.
Et puis demain, en me levant, je vais pouvoir faire quelques longueurs dans la petite piscine lovée au fond du mini jardin tropical. Un délice bien mérité.

Faites vos jeux
6 septembre 2007
En tout cas, moi, j’ai fait le mien.
Rencontre surprenante avec le neurologue aujourd’hui. Il ne comprend pas que je veuille retourner dans ce pays de montagne où une de ses connaissances a dû faire demi tour dès l’atterrissage ; mal d’altitude oblige. Il est tellement épaté que non seulement je parvienne à y vivre mais aussi à y faire du sport, qu’il a décrété que mon mal de crâne était dû, accrochez-vous bien, à « entorse des muscles du cou »… Laissez moi rire. J’ai dû mentionner le vélo comme une de mes activités physiques et le voilà parti… Comme la seule fois de sa vie où il en a fait il a fini avec un torticolis, il a décidé que, pour moi, cela devait être la même chose… Décidément, même les médecins y vont de leur petite histoire…
J’ai revu aussi l’ORL, je ne sais pas bien pourquoi, probablement pour huiler la machine à sous. Et puis les thaïs et l’anglais, c’est parfois difficile… alors qui sait peut-être me suis-je mal faite comprendre.
Heureusement je suis parvenue à voir un gastro-entérologue qui semblait avoir la tête sur les épaules. Il a ausculté mon ventre, confirmé qu’il était en vrac - les enfants au gros ventre sur les prospectus d’action contre la faim, c’est moi en ce moment, la maigreur en moins ; ou, si je n’avais pas mené une vie de nonne ces derniers mois, je me demanderais si je n’étais pas sur le point d’accoucher… Il m’a demandé comme tous les médecins jusque là si je mangeais suffisamment de fruits et de légumes, si je buvais beaucoup, si je faisais du sport tous les jours, si je n’abusais pas de la bière… OUI, OUI, OUI, NON… Bon d’accord, j’aime le pain, le chocolat et le café mais à part cela, je n’ai quand même pas une trop mauvaise hygiène de vie…Il en a conclut que mes intestins se révoltaient contre les précédentes attaques à répétition et qu’il fallait par conséquent que j’en prenne soin pour quelques temps. Quelques pilules supplémentaires à avaler par là…
Enfin le spécialiste des parasites, bactéries et autres infections, perturbée par la constante négativité des résultats d’analyse, a émis deux hypothèses : soit il s’agit d’un germe qu’elle n’a pas encore rencontré, soit la batterie d’antibiotiques administrée au Bhoutan est parvenue à faire le ménage. Les symptômes persistant s’expliqueraient alors par la fatigue générale du corps et le temps requis pour tout remettre en ordre… Patience donc.
C’est en tout cas l’option que j’ai choisie. Maintenant que la fièvre est finalement tombée, que je parviens à marcher relativement droit et que mon cerveau n’est plus aussi ankylosé, je vais retourner au Bhoutan et finir mon boulot. Si prochain déraillement il y a, je prends le premier avion vers la France.Pour vous, cela signifie donc la fin de ces mortels bulletins médicaux… Ouf me direz-vous. Merci en tout cas pour votre patience et soutien.

Bienvenue au… Samitivej
3 septembre 2007
Me voilà transportée dans un autre monde. Immense complexe bordé de palmiers et bardé de baies vitrées. Tout est clair et étincelle de mille feux… jusqu’aux dents du personnel.
Première étape, le manageur de votre parcours santé vous accueille à la sortie du taxi. Admission : nom, âge, sexe, statut marital, religion, profession, personne à contacter en cas de problème et puis, votre portait… Un simple clic depuis le comptoir. Deux secondes plus tard toute cette information, photo y compris, se retrouve sur les entêtes des éléments de votre dossier qui vous accompagnera durant toute la durée de votre séjour. Ce bref portrait est aussi imprimé sur un bracelet que vous êtes sensé porter en permanence. Une fois ces formalités remplies, votre infirmière vous accompagne vers le docteur qui vous a été recommandé au vu des résultats des premières analyses transmises la veille par email.
A peine le temps de vous asseoir dans de confortables fauteuils en cuir que vous voilà sollicité de nouveau par une autre sourire… Bienvenue dans la salle de mesure des principaux signes vitaux : poids, pression artérielle, rythme cardiaque et température. Ces trois dernières mesures ponctueront votre vie au Samitivej, à la fréquence minimale de 5 enregistrements par jour.Décidément le temps est ici compté. Vous savourerez le moelleux du cuir et la saveur du thé une autre fois. Une seconde porte verte s’est déjà ouverte.Un médecin vous reçoit, il vérifie quelques points de votre historique médical puis vous conduit vers le fond de son bureau, toujours aussi propre et net, pour un examen médical classique. Seulement voilà, aussitôt ausculté, vous vous retrouvez dans la salle de radio vêtu d’une magnifique tenue d’intérieur violette. Ensuite, ce sont les prises de sang, de retour dans une petite salle verte et crème, malgré les quelques 10 tubes prélevés, vous ne ressentez aucune douleur. Détendez vous, des fées s’occupent de vous.
A peine deux heures après mon arrivée, les premiers résultats arrivent. Négatifs. Je rejoins ma chambre, chambre d’hôtel, si l’on omet le lit et le goutte à goutte. Chambre froide tout de même, je ne me sens pas très rassurée, surtout que je n’ai toujours aucune certitude quant au pourcentage que l’assurance prendra en charge. Je n’ai jamais demandé tant de luxe, juste des soins corrects.
Le lendemain, la chasse à la maladie reprend son cours.Le jeu de pistes est ici bien moins éprouvant qu’au Bhoutan ; vous avancez d’une propreté exquise à une autre, dans un cadre vert et lumineux, au son de Chopin joué sur un piano à queue… En outre, pas de risque de vous perdre ou de vous décourager dans votre parcours car vous êtes toujours accompagné, en fauteuil roulant même s’il le faut, et puis, surtout, les médecins sont toujours présents au rendez vous…
Seulement voilà quel pourcentage de la population thaï a accès à la médecine de pointe de cette machine à fric ? Il ne faut pas se faire d’illusion en effet, les services médicaux se vendent ici comme n’importe quel produit ; sourire, propreté, attention de chaque instant ne sont que des arguments marketing… Ici, on offre des croisières médicales de luxe pas de santé minimale pour tous.

Dernières pistes
3 septembre 2007
Apparemment il n’est pas aussi simple que cela de prendre soin de sa santé. Non seulement l’assurance ne prend pas en charge les vols aller-retour pour rejoindre l’hôpital -ce qui dans le cas du Bhoutan se monte à 700€- mais en outre, il faut obtenir un certificat prouvant que vous ne pouvez être soigné sur place, l’envoyer dans mon cas à un médecin à Rome qui choisit alors de valider ou non l’ordre d’évacuation. Si la deuxième condition semble légitime, essayer de la faire appliquer à quelqu’un qui se traîne 38 °C de fièvre depuis 5 jours, qui est malade pour la quatrième fois en deux mois…
Lorsque j’ai appris la nouvelle, je me suis écroulée en larmes, trop épuisée pour faire quoi que ce soit. Heureusement Verdell était là pour veiller au grain. Elle m’a pris un rendez vous avec un docteur habilité à signer des ordres d’évacuation… Encore un autre médecin, encore un autre diagnostique : après le rhume, l’infection virale, je vous présente la typhoïde… S’en était trop pour moi, en plus je suis vaccinée contre cette dernière. Leur diagnostique ont-ils réellement un sens ?
Dans l’après midi, la fièvre a un peu baissée… Je ne voyais pas pourquoi je devais partir dans ces conditions. Verdell qui m’avait assistée jusque là en a eu mare… Elle m’a planté là. « Reste si tu ne veux pas te soigner mais ne compte plus sur moi pour t’aider…» Plus de soupe, plus de compagnie, plus d’assistance dans les dédales de l’hôpital et de l’organisation des Nations Unies…Désemparée, je retourne voir le seul médecin qui m’avait semblé cohérent, Dr Rai, médecin colonel. Je lui explique mon cas, la fièvre qui ne se décide pas à partir, les mots de tête qui persistent, la pression de tous mes collègues expat pour que je parte…Il m’examine une nouvelle fois, me rassure sur la possibilité de méningite évoquée par certains. Si c’était le cas vous ne pourriez plus faire oui de la tête… Me voilà rassurée. Vous n’avez plus de fièvre ajoute-il, ne vous inquiétez pas, nous allons vous surveiller et tout ira bien… D’accord, oh name same kadrinche comme on dit là-bas !
Seulement lorsque j’arrive à la maison mon front est toujours chaud et, d’après le thermomètre de ma maman, j’ai toujours 37.7 ; soit plus d’un degré de plus que ma température normale. En outre, Tshewang me raconte qu’un de ses profs à l’université s’était choppé des vers qui avaient migré dans son cerveau…C’est amusant comment chacun y va de son petit diagnostique ; personne n’est médecin mais chacun a une histoire à raconter…Cette histoire fut une de trop ; ajoutée à la solitude dans laquelle je me retrouve depuis la désertion de Verdell ; il est temps que je parte…

Linghzi, balade alpine (4/4)
27 août 2007
Pour finir sur une note positive, le technicien d’élevage m’a emmenée rendre visite à une famille d’éleveurs établie au bord d’un lac, au pied d’un glacier. Possédant suffisamment de pâturage, éleveurs et troupeaux se portaient bien. Nous avons même assisté à une naissance ! Pour une fois que je ne jouais pas l’oiseau de mauvais augure…

La famille -mère, fille et enfants- nous a accueilli à bras ouverts. Les enfants au départ méfiant se sont rapidement enhardis et ont pris un plaisir certain à se glisser devant la caméra. A tel point que j’ai eu du mal à obtenir des yaks en solo !

Mère et fille nous ont servi un curry de choux, denrée rare en ces terres d’altitude où les produits animaux sont rois… Surtout, j’ai pu participer aux différentes tâches qui constituent le métier d’éleveur. Faire soi même, se lever à 4 heures dans le froid et l’humidité pour la traite, escalader les versants escarpés pour rassembler les yaks le soir, collecter du bois et de l’eau… Cela ouvre une nouvelle perspective sur le métier d’éleveur.Plaisir de l’échange que nous avons dû écourter, car il nous fallait gagner Lingzhi à la mi-journée pour envoyer nos sacs vers Soe. La disponibilité des chevaux est vraiment un facteur limitant dans ces contrées !
Après midi libre à Lingzhi donc. Lingzhi, un dzong, un ensemble de 4 hameaux de 2 à 5 maisons chacun et le quartier des fonctionnaires. Ce dernier a moins de 20 ans et résulte de la politique de développement du Bhoutan qui atteint même les régions les plus reculées. Chaque communauté dispose d’une école primaire, d’un centre de soin de base (sans docteur ni infirmière, juste un aide soignant initié aux principaux problèmes de santé et doté de médicaments), de services « vétérinaire », agricole et / ou forestier selon les activités économiques de la zone, un représentant du Dzongkag, et dans les villages munis d’une connexion satellite, des représentants de l’opérateur téléphonique local. Ces fonctionnaires, souvent des urbains expatriés, permettent à leurs concitoyens d’accéder à un service social minimum mais ils souffrent d’isolement… surtout le responsable du centre de soin qui doit rester avec la communauté même durant les 4 mois d’hiver, alors que tous les autres collègues rejoignent leur famille dans la vallée.


Lingzhi, c’est aussi le Dzong, probablement ouvert toute l’année, j’avoue ne pas avoir demandé. Fonction essentiellement religieuse à Lingzhi qui abrite une vingtaine de moines. Je ne voulais pas repartir sans pénétrer cette forteresse perchée. Cependant voilà, je venais de renvoyer ma kira avec les chevaux… Qu’à cela ne tienne, j’irai en gho, tenue des hommes prêtée par mon collègue… je pensais pouvoir me la jouer discrète mais c’était sans compter sur l’hospitalité du Lama… Il nous a invité à prendre le thé dans ses quartiers. Mes collègues ont expliqué ce que nous étions venu faire ici, d’où je venais… Ils ne sont pas parvenus à dissimuler ma féminité. Laissant le lama interloqué… Une elle en gho, comment cela ?


Bangkok ou pas
27 août 2007
Dans la série je suis malade, je demande l’expat du Bhoutan.
Que faire ? Est ce que je continue à attendre ici, entre rechutes et diagnostics folkloriques ? Ou, est ce que je fais comme tous les expats, j’utilise mon droit à un check up complet à Bangkok ? Bangkok pointe de la médecine tropicale contrairement au Bhoutan où certains semblent se nommer docteurs alors qu’ils n’ont qu’une licence en science, spécialité médecine humaine…
Pourquoi pas me direz vous ? Après tout si je ne prends pas ma chance maintenant et si je suis prise d’une rechute, il ne me restera plus qu’à tout payer de ma poche. En effet début octobre, plus de contrat donc plus d’assurance santé… En outre si jusqu’à présent je parvenais à bosser un peu, depuis jeudi c’est le légume complet.
Seulement voilà, si demain, il se trouve que je vais bien, je vais avoir envie d’avancer dans mon boulot, de prendre l’air, pas d’être à Bangkok à expliquer que si j’étais malade, croyez moi…. Mais non madame vous n’avez rien, vous faites des simagrées…
Verdell ma copine qui fait office d’infirmière ces derniers temps est en train d’appeler Rome en ce moment. Est-ce que je vais me retrouver en vol dès demain ?

Encore!
24 août 2007
Radieuse, amoureuse, fortunée…Non rien de tout cela…Juste malade.Hier soir, j’ai pu goûter le confort de l’hôpital de Thimphu !
Je dois bien avouer que j’ai été chanceuse car j’ai obtenu le lit de l’entrée, pas celui coincé entre un alcoolo et un épileptique tout deux en pleine césure…Chanceuse aussi car je ne voyais rien, pas de lunettes, perdues dans la bataille et puis je planais à mille lieues dans les méandres d’un brouillard de fièvre.Je me concentrais sur des images de plage, soleil et sable chaud de Thaïlande ou de Corse, alors que mes amis essayaient de faire tomber la température en me couvrant de serviettes mouillées… tête en feu, corps gelé. Pour le coup, on aurait vraiment pu faire frire un œuf sur mon crâne.
Chanceuse donc surtout parce que bien entourée. Lorsque cet accès de fièvre m’a prise, je me suis traînée chez mon voisin de palier pour demander de la glace. J’avais déjà pu vérifier que les japonais étaient bien mieux préparés que quiconque à la vie d’expatrié. JICA veille au grain. Un gars et une fille sont donc venus m’apporter tout cela. Ils avaient fait la collecte de glace et de petites serviettes dans tout l’immeuble. Trop chou ; et dire que je ne connais toujours pas leur nom…Mais la fièvre ne tombait pas, au contraire, j’ai peu à peu perdu le contrôle de mes mains et de mes pieds. Mon corps avait décrété que le cerveau devait être irrigué en priorité, le reste attendrait. J’ai alors commencé à m’inquiéter, j’ai demandé aux japonais d’appeler Verdell (et oui mon portable, en aussi piètre santé que moi, avait rendu l’âme la semaine passée).Elle est venue rapidement, accompagnée de Tshewang, dont elle partage l’appartement. Ils m’ont enroulée dans une couverture, et transportée jusqu’à la voiture (trois étages plus bas) puis jusqu’aux urgences. Je ne suis pas une malade facile, ils ont donc eu bien du mérite. Aux urgences, ils se sont attelés à faire baisser la fièvre, rapidement rejoints par un collègue et sa femme. Cela a pris près de quatre heures. Il a aussi fallu que je refasse des tests, sang et urine, sans que rien ne soit réellement concluant… ce qui m’a permis de rentrer chez moi à minuit passé.
Aujourd’hui j’y retourne. Je vais déjà beaucoup mieux car la fièvre s’est pratiquement envolée. J’aimerais bien, cependant, enfin savoir ce qui ne tourne pas rond, afin d’en finir une bonne fois pour toute avec ces sempiternelles rechutes.

Linghzi, balade alpine (3/4)
23 août 2007
Nous passons le col le lendemain juste avant une trombe de grêle… Encore quelques heures de marche et le voilà, ce dzong perché gravé dans ma mémoire. Lingzhi était devant nous…

De là nous formons deux équipes afin de rencontrer le maximum d’éleveurs… Sangay, Namgay et moi d’un côté, Phuntsho et Gyem Tshering de l’autre.Nos premières enquêtes sont effarantes, éleveurs déprimés devant le taux de mortalité anormalement élevé. « Gid disease » (maladie causé par un parasite intestinale du chien Multiceps Multiceps qui s’attaque au cerveau des herbivores, causant tout d’abord des vertiges et pertes de repère chez l’animal -d’où son nom- conduisant enfin à la mort) mais aussi manque de fourrage sont à l’origine de cette hécatombe.Partout les éleveurs s’affairent à découper leurs animaux morts de façon à en faire de la viande séchée, bien maigre consolation car la viande d’animaux épuisés est bien trop maigre pour trouver acquéreur sur le marché. Certains éleveurs ont perdu jusqu’à trente animaux. Débordés, ils mettent certains animaux au « frigo » dans la rivière pour gagner un peu de temps.


Un désastre en soi. Un désastre encore aggravé par le fait que près de 60% des troupeaux de cette région appartiennent à des monastères. Ces derniers qui possèdent les droits de pâturage, donnent leurs animaux en gardiennage. Le contrat le plus fréquemment pratiqué s’appelle « Kimey Shimey », pas de naissance pas de mort. Ce contrat est très avantageux lorsque les conditions sont favorables, que le troupeau grossit ; l’éleveur voit alors la taille de son troupeau personnel augmenter. Mais, lorsque comme ces dernières années les animaux meurent en grand nombre, l’éleveur doit non seulement fournir les 1.3 kg de beurre par animal inscrit au contrat mais aussi maintenir les effectifs. Compenser avec son propre troupeau si possible ou acheter à des voisins pour être en mesure de satisfaire les monastères… Une épée de Damoclès pour les éleveurs touchés par cette hécatombe.
La collecte de Cordiceps Sinensis, chenille champignon très prisée de la médecine chinoise et qui s’arrache à prix d’or (vendu entre 5000 et 6000 € le kilogramme cette année) sur le marché international permettra de compenser certaines des pertes. Mais, après cela, les éleveurs souhaiteront-ils encore poursuivre ce métier difficile et risqué? Pourquoi ne pas acheter une petite parcelle de terre dans la vallée et se contenter de petits boulots dans l’attente de la prochaine récolte de cordiceps ?


Linghzi, balade alpine (2/4)
20 août 2007
Le lendemain, mes collègues étaient parvenus à un accord avec les « horsemen », ils nous accompagneraient jusqu’au premier village d’éleveurs de yaks à une demie journée de marche d’ici. La perspective d’une petite journée me réjouit car, je suis, comme qui dirait, épuisée. Même mon petit sac à dos me semble peser des tonnes. Lever une jambe après l’autre est une vraie galère.
Soe te voilà ! Enfin ! Merci. Je m’affale sur une chaise, soulagée.
Faire des enquêtes ici oui avec plaisir, je ne me vois pas affronter un col à 5000m demain… et puis j’aime bien cet endroit aussi, camp de base du Jomolhari, le joyau bhoutanais, la perle blanche. La destination du trek le plus touristique au Bhoutan. Un bon moyen d’étudier l’impact du tourisme sur l’élevage de yaks…
En outre, le lendemain, le ciel est d’un bleu azur ; mes boyaux vidés, l’envie de partir à la rencontre des éleveurs de yaks renaît. C’est chose faite avec Namgay Chencho, « soundbox » de son petit nom, qui, est ravi de partager les connaissances accumulées durant les 5 années passées au sein de cette communauté. Le flot ne tarit pas. Un régal. Il est évident qu’il s’est bien intégré, les portes nous sont ouvertes toutes grandes.
Ce jour là nous faisons trois enquêtes, bien au chaud dans nos tentes en poils de yak. Enchanteur, jugez vous-même.
(Jomolhari 7315m, Bja ou tente en poils de yak -chaque campement a sa fondation en pierre sur laquelle vient se poser le tente qui elle se déplace avec les éleveurs-, Jitchu Drake 6850m)





Linghzi, balade alpine (1/4)
17 août 2007
Je suis tombée sous le charme de ce département en 2005. En trek à l’époque, je n’avais fait que le traverser, les portes étaient restées closes. Depuis, j’abritais le secret désir de revenir découvrir ces vallées perdues à 6 heures de marche du Tibet…
Lors du choix des terrains cette année, mes collègues n’ont donc eu aucun de mal à me convaincre d’affronter les 4 jours de marche qui séparent Thimphu de cette région d’éleveurs de yaks. Expédition d’autant plus attrayante que les membres de notre équipe s’annonçaient fort sympathiques : mon amie Sangay, Phuntsho Namgay un collègue drôle, compétent et motivé, ainsi que deux jeunes techniciens.
Les premiers pas ont cependant été délicats. Pas de chevaux à touristes pour nous comme nous travaillons pour le gouvernement… Bien que levés à l’aube nous avons dû attendre jusque-là la mi -journée pour voir arriver le second de nos «horsemen», complètement saoul. Le premier était indélogeable, perdu dans les jupons de sa seconde femme. En plus des mules vacillantes de notre alcoolique, nous avons donc organisé trois chevaux, à touristes ceux là ; le double du prix. Enfin nous voilà parti.
Les gouttes d’eau se font plus denses à mesure que l’heure avance. Les parapluies ne n’y suffisent rapidement plus. Lorsque nous atteignons le dernier village de la vallée, nous sommes trempés. Pieds mouillés le premier jour… hum… ce n’est pas de très bon augure… Au moins nous n’avons pas besoin de monter les tentes ; un bureau désaffecté nous servira de toit. Phuntsho Namgay en plus d’être de bonne compagnie se révèle être un excellent cuisinier. Il nous mijote un délicieux «shamu datse», curry aux champignons, mon plat préféré. Notre horeseman était malheureusement trop bien pendu à sa bouteille de whisky pour daigner y goûter.
Nous reprenons la route le ventre plein (pour la majorité d’entre nous) et les pieds presque secs… Pas pour longtemps cependant car la pluie reprend déjà sa douce mélopée. A la mi journée, mon parapluie rend l’âme … Je ne sais s’il s’agit de l’eau mal bouillie ou du froid qui s’installe, mais mon ventre commence aussi à se rebeller… Trois heures plus tard, alors que je n’ai qu’une envie, atteindre le campement, monter la tente et m’emmitoufler dans mon sac de couchage, il nous faut attendre ce calamiteux «horseman»… Nous l’attendons dans une espèce de grotte. Salutaire sur le moment, la perspective d’y passer la nuit à 7 ne m’attire pas le moins du monde. Il n’y a pas suffisamment de place que pour deux matelas ! Et dormir assis moi, franchement, cela ne me dit rien. En plus, c’est officiel les amis, mon ventre est mécontent…
La nuit tombe. Toujours pas de chevaux à l’horizon ; qui dit pas de chevaux, dit pas de nourriture pas de matelas, pas de tente, pas de sac de couchage…
Enfin une de nos mules arrivent, endiablée. Elle s’est débarrassée de sa charge, poursuit sa course effrénée jusqu’au pont avant de s’écrouler… elle agite ses pattes en l’air… Je ne suis pas la seule à avoir des problèmes d’estomac. L’avoine verte mangée dans la vallée après des mois de nourriture sèche a causé son terrible effet. Coliques néphrétiques. La mule souffre le martyre. Mes collègues récoltent toute l’aspirine à disposition pour calmer la douleur de cette pauvre bête et lui donner une chance de s’en sortir. En vain. Après quelques dizaines de mouvements désordonnés la bête s’écroule sans vie. Le vent de la mort assombrit les esprits… le horseman soudain dégrisé pleure sa perte, le fruit de plusieurs années d’économie… Nous sommes désolés pour lui ; nous réfléchissons à un moyen de lui venir en aide. Je récupère mon sac à dos pour alléger sa peine.Nos bonnes intentions s’évanouissent rapidement cependant. A peine arrivé, le gars se jette sur sa bouteille de whisky et commence à médire. Nous lui avons jeté un sort. Il ne fera pas un pas de plus.Cela tombe bien car l’autre horseman nous avait aussi annoncé dans la journée sa volonté de s’en retourner…
Nous voilà bien. Sous la pluie, à deux jours de Lingzhi, malade pour moi…

Back to life
14 août 2007
Eh oui, je sors juste d’une pénible période : trois semaines à s’efforcer de trouver suffisamment d’énergie pour aller au boulot, tenir la journée, avant de s’écrouler sans force et dans un état d’indisposition intestinale sévère.
Les antibiotiques pris en avril sont restés sans effet contre cet hôte indésirable. 2 améliorations et autant de rechutes plus tard, je me suis vu contrainte de braver les couloirs de l’hôpital de Thimphu. Première tentative désastreuse : on m’a renvoyée à la maison avec un médoc contre le ballonnement et un anti-nauséeux ; traiter les symptômes sans s’attaquer à la cause du mal n’a jamais résolu le problème. J’ai donc sollicité l’aide d’un de mes collègues pour me trouver un médecin digne de ce nom ou du moins, qui prendrait le temps de faire un diagnostic correct. Je ne veux pas en effet dénigrer les médecins qui travaillent sous pression, et doivent gérer chaque jour une marée de patients, sans réelle possibilité de les examiner (médecin et patient disposent de 5 minutes et d’une chaise chacun dans une salle bruyante partagée par deux ou trois autres docteurs et un flot incessant de patients et d’aides soignantes). Cependant, cette expérience conforte l’impression que, sans connaissance, le bhoutanais moyen risque fort de se perdre pendant des heures, voir des jours, dans ce dédale, et ce, sans résultat.
Ce passage à l’hôpital m’a aussi permis de relativiser ma condition. Certes, il est déprimant de ne rien pouvoir faire de personnel, de n’avoir pour compagnie que les quatre murs de sa chambre. Le moral part en vrille, on se demande ce qui l’on fait dans ce pays étranger dont on ne profite pas alors qu’un de ses meilleurs amis se marie… Mais tout cela n’a rien de dramatique en soi. Rien de comparable à l’angoisse suffocante des chambres communes de 20 lits : troublant cris de douleur, odeurs de médicaments, de souffrance et de nourriture qui se mélangent à l’écoeurement, tandis que silence et repos s’évadent au rythme du va et vient des familles qui ont la charge d’alimenter, laver et blanchir leur malade. Encore, ici, contrairement à ce que j’avais pu voir au Cameroun, chaque patient a son lit.
Ce week-end, j’ai enfin pu tourner la page des ennuis de santé à la faveur d’une combinaison d’antibiotiques du tonnerre. Egoïstement, je rejoins le monde des vivants, je goutte avec délectation aux multiples plaisirs d’une vie entière. J’ai pu faire un footing pour la première fois ce soir. Il me reste deux mois tout juste pour profiter de ce pays et vous le faire partager.

Premiers pas
28 juillet 2007
Les premiers pas vers les éleveurs de yak, mes collègues et moi les avons franchi à Haa. Haa une des régions les plus secrètes du Bhoutan -pas idéal pour commencer notre étude- mais il s’agissait du seul Dzongkhag proche de Thimphu où les éleveurs étaient encore accessibles en moins d’une journée de marche. Nous avons donc planté notre tente à 30 minutes du bout de la route.Malgré la proximité de la ville de Haa, nous avions bien franchi les portes d’un autre monde. La maison bleue que je partageai avec 3 de mes collègues se trouvait sur le campement d’hiver d’éleveurs. Pour la première fois de ma vie, j’allais donc vivre au rythme d’éleveurs de yak ou plutôt d’éleveuses. Deux femmes seules qui vivent loin de leur famille pour prendre soin de leur troupeau. En hiver 2 petites heures de marche les séparent de leur village, en été plus de quatre jours. Elles nous ont raconté la faim qui parfois les tiraille lorsque leur famille tarde à leur apporter leur ration… les doigts qui gèlent… les tibétains qui passent la frontière et régentent leur accès au pâturage et au bois de chauffage…Des moments inoubliables passés au coin du feu à la lueur d’un lampe à huile, à discuter, cuisiner, baratter le beurre sans baratte, faire du fromage… Nous avons également collectés les mâles, reproducteurs et animaux castrés utilisés pour porter les rations jusqu’au campement d’été, qui en hiver paissent librement, séparément du troupeau de jeunes et de femelles. Notre Am Yangzom malgré ses 50 ans passés était leste comme une gazelle courant après ces yaks sur ces à pics. Magnifique.


Et puis mon amie Sangay du taekwondo était là pour traduire et s’émerveiller avec moi de ce mode de vie si différent du notre…Une mode de vie menacé cependant du fait de l’écart de conditions de vie qui se creuse entre urbains et ruraux de l’extrême… cabane en bois, lever à l’aube, coucher au crépuscule, pas de télé, pas de divertissement, conditions climatiques difficiles. Froid la plupart du temps, humidité en été, transhumance sous des trombes d’eau ou sous la neige selon les saisons, attaques par des animaux sauvages protégés, ours, léopard des neiges… difficultés du métier encore accrues par un cruel manque de main d’œuvre…Les enfants qui restent dorénavant au village et vont à l’école souhaitent rarement reprendre la suite. Qu’adviendra-t-ils de ces magnifiques animaux ? Qui gardera dorénavant la frontière ?



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