marie au bhutan

Saturday, December 23, 2006

Nouveau Roi
20 décembre 2006
Je me suis laissée dépasser par ma vie perso et je n’ai même pas assisté à cet évènement majeur: le 4ème Roi, Jigme Singye Wangchuck, a transmis les responsabilités et la tête de l’état à son fils le prince héritier Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, qui est devenu par la même occasion le 5ème Druk Gyalpo ou roi du Bhoutan.
J’avais bien repéré les drapeaux en berne dimanche matin en allant au marché mais je pensais qu’il s’agissait juste de la célébration de leur journée nationale. A ma décharge, il faut reconnaitre qu’il n’en a pas été fait grand cas et que le 4ème roi est coutumier des annonces inattendues. L’année dernière à la même date, le 17 décembre, il avait rendu publique à la surprise générale sa volonté de céder le pouvoir à son fils en 2008 ; année du grand pas en avant vers la démocratisation avec l’entrée en application de la constitution et l’organisation des premières élections nationales. Cette nouvelle avait plongé le pays dans la tristesse.
Comme l’a dit le Ministre de l’Agriculture, le Roi coupe le cordon ombilical par lequel il a sorti son pays du féodalisme, institué le concept de croissance du bonheur et rendu l’éducation et la santé accessible à tous les citoyens bhoutanais. Le sevrage est difficile.
Le nouveau Roi n’a que 26 ans mais son père a pris le pouvoir à 16 ans et s’en est honorablement tiré, même sans paternel pour l’aider à tirer les ficelles. Jigme Singye Wangchuck est convaincu que cette période de développement rapide et de paix est idéale pour changer de régime politique. La transmission de pouvoir avancée devrait permettre à son fils de se faire la main avant les élections de 2008. Une occasion à saisir dit-il. Il a plutôt été visionnaire jusque là. Faisons lui confiance une fois de plus. Bonne chance au nouveau Roi ; presque aussi beau que l’ancien soit dit en passant.











Image tirée de Kuenselonline

Tuesday, December 12, 2006

Le Bhoutan est petit
26 novembre 2006
Aujourd’hui je suis partie seule faire un tour de vélo car j’avais besoin de me vider la tête. Je ne suis cependant pas restée seule longtemps. A peine une demi heure après le départ je croise deux éleveurs tout fringants. Ils attendaient le bus pour aller à Phuentsholing, ville à la frontière sud ouest du pays, pour acheter cinq vaches ! Des bonnes ! Oui je leur dis, j’en ai vu quelques unes mais il faut les nourrir pour qu’elles donnent du lait…
A la croisée des chemins, entre Thimphu et Paro, je m’arrête pour acheter une bouteille d’eau et quelqu’un me tire par la manche. Une autre éleveur qui emmenait son fils voir sa sœur. Je lui fais essayer mon vélo.
Je poursuis ma route. Cela grimpe maintenant. Au fur et à mesure que je m’élève je me gorge de ces sommets enneigés. Je me nourris aussi des ces « Hi » « Bye » qui me suivent. Je prends quelques photos. Au moment de redescendre, je m’emmitoufle dans ma veste, bonnet, deux paires de gants ; si les cols se laissent dominer à force de patience, une descente mal préparée peu être mortelle pour les extrémités. Et ne voilà pas que mon collègue de Haa me klaxonne. Il revient d’une compétition de tir à l’arc (sport national). Perdu, dommage. On chatte un bout sur la route. Un petit embouteillage se forme. Pas de problèmes se sont des amis… Ici tout le monde est l’ami de toute le monde ou du moins une connaissance. Le Bhoutan est un grand village.
Ce qui explique que le trajet du retour en taxi (eh oui j’ai le droit d’être flemmarde parfois) a pris deux heures au lieu d’une heure et demie. Notre chauffeur faisant honneur à chaque rencontre.

Tashi Delek
26 novembre 2006
Tashi delek, c’est ce que l’on dit à la fin d’une présentation pour remercier l’auditoire de son attention. C’est aussi apparemment une manière de bénir toute acquisition nouvelle. Notre véhicule a dû passer par là car son rétroviseur interne est entouré d’un foulard béni. Hier c’est la voiture de notre collègue qui a bénéficié de ce rituel. Deux trois courbettes, une foulard blanc remis cérémonieusement et voilà sa voiture toute neuve parée et protégée contre les démons de la route.
Le propriétaire, Tshewang Norbu, diplômé selon le système anglo-saxon d’un « bachelor » (sorte de licence diplômante) a rejoint l’équipe récemment. Il bénéficie d’un respect particulier qui ne tient pas qu’à son diplôme. Il jouit d’une aura certaine, autorité naturelle, renforcée par ses entrées en carrosse. Land Cruzer, land Rover et j’en passe (J’ai du mal à faire la différence de toute façon; tant que cela roule… j’ai juste remarqué que les siennes étaient particulièrement imposantes)
Ce n’est bien évidemment pas avec sa paye de fonctionnaire même diplômé qu’il s’est payé ces monstres, son Hyundai noire fringante non plus. Dr Dorji qui lui aussi à un diplôme et travaille depuis 5 ans n’a toujours pas pu s’offrir quelque objet roulant que ce soit avec ces 10 000 Rps (~ 200 €) par mois.
Mais voilà Tshewang Norbu vient d’une Famille Respectable ; tellement respectée que cela ne viendrait à l’idée de personne de relever l’injustice. Au Bhoutan il est prestigieux d’être fonctionnaire (forte sélection, perspective d’ascension sociale et de bourse pour poursuivre ses études) mais cela ne paye pas. Pour cela, il faut faire du business à côté. La législation interdit à un fonctionnaire d’entreprendre. Pas de problème, la famille élargie est là. Tout ce que chaque membre gagne en prestige, pouvoir ou en monnaie, est mis au pot commun. C’est ainsi que lorsque l’on vient d’une famille bhoutanaise privilégiée, on se retrouve à la tête d’une appart meublé et doté d’une voiture rutilante dès la fin de ses études. Débiteur dans sa jeunesse, créditeur dans la force de l’âge, de nouveau débiteur en fin de vie.
Je ne dénigre pas cette solidarité familiale, au contraire ! La forte entraide donne à ceux qui peuvent se le permettre la possibilité de s’épanouir dans le domaine qui les intéresse, même si peu rémunérateur. A l’image de nos précédents propriétaires dont l’aînée est entrée dans la fonction publique, le second a pris la tête du business familial, laissant le loisir à la petite troisième de consacrer ses journées à la lecture. Tous les trois subventionnés par papa qui espère bien être entretenu sur ses vieux jours… Il n’y a plus qu’à prier pour que la boucle de l’entraide familiale résiste à la mondialisation marchande.
Tashi delek.

Exams
19 novembre 2006
La tension est sensible. Les rangs du cours de taekwondo se vident, mes collègues partent de plus en plus tôt du boulot pour pouvoir ramener leurs enfants de l’école et maximiser leur temps de révision.
La tension est visible. Depuis notre troisième étage, il n’est pas rare de croiser trois étudiants, cahier en main, avant de gagner la sortie. Au cours d’un tour de vélo, hier, nous avons croisé un nouvel étudiant tous les 10 mètres. Bouquin ouvert. Seule la position diffère : allongé dans l’herbe, assis, adossé à un arbre ou encore arpentant inlassablement le bitume.
Pourquoi ne révisent-ils pas tranquillement chez eux dans leur chambre ? Probablement parce qu’ils n’en n’ont pas. Pour certains par manque d’agent, pour d’autres parce que la solitude est une idée nouvelle au Bhoutan. A titre d’exemple, j’ai réservé des chambres triples pour mes collègues Bhoutanais qui arrivent en France ce week-end. La chaleur de la compagnie explique ce choix plus que la contrainte financière. Dans le même registre, le directeur du département d’élevage a du mal à supporter les honneurs qui lui sont généralement réservés, à savoir obtenir une chambre indépendante partout où il va. Si les hôtes ne cèdent pas, il se voit dans l’obligation d’appeler sa femme à le rejoindre. Il ne peut dormir seul… Du coup ici, si vous chercher à vous retrouver seul, vous avez intérêt à bien vous cacher ; sinon, un Bhoutanais aura pitié de vous et viendra passer un moment à vos côtés.
Il semble que la nécessité de la réussite scolaire crée de nouveaux comportements et modifie le rapport au lien social.

Clin d’oeil
16 novembre 2006
Clin d’œil pour que vous compreniez comment je me sens parfois en réunion lorsque l’on me demande mon avis et que la seule chose que je vois (les tables sont souvent basses au Bhoutan) c’est un entrejambe largement ouvert.
Clin d’œil en forme d’acceptation du regard des hommes lorsque parfois en jupe nous nous oublions.
Car réellement mon intention n’était pas vicieuse pour un sou lorsque lundi je me suis retrouvée nez à nez avec ce short blanc. Je souhaitais juste, professionnellement, prendre une photo de vendeur de fromage local. Lorsque je me suis agenouillée, pour cadrer, j’ai failli me relever d’un bond ; gênée autant pour lui que pour moi. Puis je me suis dis que cela serait encore pire. J’ai donc cliqué. Simplement pour une fois je n’ai pas montré à l’intéressé ce que j’avais mis dans la boîte.
Passer ce moment de surprise sous silence.

C’était sans compter sur la curiosité d’autres vendeuses de fromages qui m’ont pressé pour voir la photo de leur collègue en plus de la leur. Je leur ai montrée, très vite.
Elles ont ri. Etait ce la surprise de voir leur propre reflet et celui de l’autre ou la vue des dessous du Gho ? Je ne le saurai jamais. Et peu importe.

Escapade subtropicale
15 novembre 2006
Ce week-end c’était l’anniversaire du Roi. Nous avons donc bénéficié d’un jour de congé. Ici fêter les Rois, même décédés est important. Chaque village organise une parade. Ecoles, forces de police, tout le monde se mobilise pour honorer le roi. Heureusement que la Monarchie Bhoutanaise est jeune, que nous n’en sommes qu’au 4ième sinon l’année pourrait s’écouler ainsi de festivités religieuses en événements royaux. Ce week-end c’était le 51ème anniversaire de Jigme Singye Wangchuck. Avec sa bénédiction je me suis accordée 2 jours de repos pour partir à la découverte d’une contrée, Dzongkhag, que je n’avais jusqu’à présent que traversé en voiture. Les orangers illuminant les collines de leurs boules magiques m’avaient séduite. Je souhaitais retrouver cette ambiance de Noël au soleil.
Malheureusement, ce qui se voulait être une escapade tropicale, donc chaude, loin de la froideur de Thimphu, a débuté sous la pluie. Elle nous a accompagnée toute la journée sur les 90 km qui séparent Wangdue de Tsirang. Légère bruine sur la descente, elle n’a pas entachée notre bonne humeur, nous a même laissé profiter d’un agréable pique-nique. Les choses se sont cependant gâtées sur les 40 derniers km, kilomètres de montée. Michelle, vaincue par l’humidité ambiante et un mollet récalcitrant, nous a abandonné dès les premiers kilomètres d’ascension. Mag l’a suivie, 15 kilomètres avant la fin, me permettant enfin d’avancer à mon rythme. Seulement voilà, j’avais déjà tellement attendu que la nuit s’apprêtait à tomber. Sitôt le 4*4 emportant Mag et son vélo parti, je me suis retrouvée à devoir allumer la lampe de mon vélo. Je ne savais toujours pas combien de kilomètres il me restait à parcourir avant d’atteindre Damphu, la principale ville de Tsirang. Un alcoolique, ou du moins un type sentant fortement l’alcool à 5 heures de l’après-midi, me dit, en Dzongkha, quelque chose que j’assimile à 15 km. Je décide donc de faire une pause pour prendre des forces avant de me lancer à l’assaut des derniers virages.
La nuit et surtout le brouillard ne voyaient pas mon envie d’en finir rapidement d’un bon œil. Avec ma frontale, j’essayais de discerner, entre gouttes et nuages volant, le bord de la route de façon à ne pas trop m’en éloigner. Les versants ont une désagréable tendance à être à pic dans ce pays. Et puis les chiens s’en mêlent. Présents partout dans ce pays Bouddhiste, ils sont responsables de perte de bétail et…de morsures, trop souvent enragées. Me voilà tout d’un coup moins fanfaronne. En plus si je me rappelle bien, il existe une bifurcation contournant le centre ville. A éviter à tout prix…
Finalement, j’arrive au pied du raidillon qui annonce l’entrée du village. Un dernier effort, allez !
Ca y est je l’ai fait ! Les enfants sont les premiers à m’accueillir. Tout d’abord surpris par ce tas détrempé faisant son entrée dans le noir, ils se ressaisissent vite et m’accompagnent en courant. Ils m’indiquent l’hôtel en prime. Merci.
Bien évidemment ici comme ailleurs la plomberie est récalcitrante. Malgré la chaudière pas de douche chaude. Il n’y a plus d’eau. Il ne reste plus qu’à patienter quelques minutes. Deux seaux d’eau arrivent à bout de bras, un chaud, un froid, pour un nettoyage sommaire sans savon.
Bientôt doutes et efforts s’évaporent pour laisser place à la satisfaction d’être allée jusqu’au bout. Dans la chaleur d’une maison amie, je me délecte d’un whisky eau chaude et d’un plat de riz ema datse (chili sauce fromage); entourée, comme il se doit, de photos de sa majesté.

Le lendemain bien sur, il faisait un temps splendide. Petit déjeuner en terrasse avec vue plongeante sur les rizières dorées.